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C’est en 1982 que sort le film Blade runner, inspiré d’un roman de Philip K. Dick intitulé : « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » Le réalisateur Ridley Scott situe l’action des personnages à Los Angeles en 2019. Et ce qu’il est intéressant de remarquer, c’est que ce film traitant d’individus en quelque sorte clonés a été réalisé avant que la première brebis Dolly soit clonée en 1996. Depuis cette brebis, une palanquée de films ayant pour thème le clonage sont sortis au cinéma. Si Blade runner a eu du mal à intéresser le public, c’est probablement parce que ce qui est traité est encore un sujet nouveau pour les cinéphiles. Certains ont qualifié ce film de « cyberpunk », alors qu’en 1982 naissaient à peine les premiers micro-ordinateurs. Nous ne voyons pas en quoi ce film est représentatif d’un quelconque « cyber ». Il est plutôt question de biologie, de génomique et de tout ce qui concerne le vivant. Et lorsque fut cloné le premier animal en 1996, beaucoup de gens allèrent ensuite voir au cinéma Blade runner. Ce que le public avait entendu dire de cette fiction par le bouche-à-oreille prenait un visage différent en voyant à la TV la brebis clonée Dolly. La science-fiction, que beaucoup considèrent comme étant fumeuse, trouvait soudain un point d’appui scientifique avec ce clonage de brebis. La mauvaise réception du film a donc été rattrapée une dizaine d’années plus tard. Des fans demandèrent même qu’une suite soit produite. Ce qui fut réalisé.
Mais regardons d’un peu plus près la composition de ce film. L’action se passe donc à Los Angeles en 2019, et six réplicants viennent de s’échapper d’un vaisseau et regagnent la Terre. Ces réplicants sont des copies d’humain ayant une durée de vie de quatre ans seulement, ceci afin qu’ils ne deviennent pas trop humains par l’apprentissage. Un blade runner est alors chargé de « retirer » du circuit ces réplicants.
Ce qu’il est important de remarquer est que les blade runner fonctionnent comme une sorte de service de « dépannage » en cas de défaillance des réplicants. Lorsqu’un réplicant ne fonctionne plus, on le « retire ». Seulement ce retrait n’est pas sans conséquences directes et indirectes. Cependant cela semble dans le film une méthode bien rodée qui fait partie de la routine des blade runner.
Si ces copies d’humains n’ont quasiment pas d’affectivité, il y a toutefois une exception avec la réplicante Rachel qui semble éprouver des sentiments à l’égard de Rick Deckard puisqu’elle lui sauve la vie en tuant un autre réplicant. De plus le réplicant Roy Batty a pour petite amie la réplicante Pris, ce qui montre que leur concepteur n’avait pas tout prévu.
A l’heure où l’on parle d’homme augmenté et de transhumanisme, les questions que soulève ce film sont plus que jamais d’actualité. L’éthique semble nous dire que nous n’arriverons jamais au stade des réplicants et que nous en resterons au développement de robots électromécaniques. En effet, avec ces derniers, il y a très peu de chances qu’une rébellion contre les humains se produise.
Pendant que l’on joue à modifier le génome des plantes et des animaux, le film Blade runner nous fait prendre conscience qu’on ne peut pas manipuler sans conséquences le vivant. Car modifier la nature revient en bout de chaîne à modifier l’humain. Et personne ne sait si les répercussions de ces modifications seront négatives ou positives pour le devenir de l’espèce humaine.
Pour le moment, le mieux que l’on puisse imaginer comme auxiliaire de l’homme est le robot biologique. Et c’est cette sorte d’auxiliaire que nous trouvons dans Blade runner. Même les animaux comme les serpents sont des animaux de synthèse. Dans le film, tout le règne du vivant semble avoir été modifié au profit de l’homme. D’autre part, les réplicants sont doués de facultés physiques supérieures à l’homme, ce qui les rend dangereux dans le cas de comportements imprévisibles. De plus, le fait qu’ils soient une parfaite copie de l’homme finit par jeter un trouble sur l’identité de tout le monde. Ceci se produit dans le film mais pourrait très bien se produire également dans la réalité si de semblables êtres étaient créés, nous propulsant ainsi dans « la vallée de l’étrange ». Car pour le moment, l’homme n’a jamais été confronté à une intelligence artificielle digne de ce nom. Car une IA réellement intelligente est un système qui accède à l’autonomie. Or pour le moment cette autonomie est très loin d’être atteinte. Aussi est-ce un abus de langage que de parler « d’intelligence » artificielle.
Dans le film Blade runner, les réplicants sont toutefois réellement intelligents. Ils ont une durée de vie très courte, certes, mais ils possèdent la plupart des caractéristiques humaines, si ce n’est qu’ils ne peuvent pas se reproduire. Et encore, ce fait est-il contredit par la suite de Blade runner , dans l’épisode 2. A vouloir copier l’humain trop parfaitement, le concepteur semble avoir omis cette éventualité.
Ceci nous donne à réfléchir sur l’évolution des manipulations génétiques à venir. Nous pensons qu’avant de vouloir modifier la moindre chose dans la génétique, il serait préférable d’abord de bien comprendre les mécanismes du vivant. Sinon, à plus ou moins longue échéance, nous devrons à notre tour devenir des blade runner ■