« L’idée de voyager me donne la nausée
J’ai déjà vu tout ce que je n’avais jamais vu
J’ai déjà vu tout ce que je n’ai pas vu encore »
(Fernando Pessoa)
Les poètes ont tant écrit sur la Seine, sur ce fleuve qui traverse Paris, que je me demande souvent si je ne suis pas devenu malvoyant lorsque je longe les quais parisiens, là où les bouquinistes disparaissent progressivement, concurrencés qu’ils sont par la vente sur internet.
La Seine n’est jolie que lorsqu’on a vingt ans et que l’on est amoureux sous le soleil de juin. Sinon c’est une eau boueuse et verdâtre dans laquelle quelques poissons tentent vainement de survivre. Elle s’est transformée en cible pour smartphone où les touristes mitraillent de mauvaises photographies et raconteront fièrement à leurs amis qu’ils sont allés à Paris.
Voyage impossible vers la capitale où tout n’est qu’artifice et simulacre. Ville-monde irrespirable comme toutes les villes-monde. Ville où le désespoir y est plus doux, comme disait Cioran. Cette ville m’est devenue étrangère. Étrangère parce que tout y est étrange dans son caractère surfait. Fourmilière qui n’est pas à une taille humaine. Anonyme parmi les anonymes, tout se perd dans une relation d’équivalence et d’uniformisation généralisée à toute la planète. Et la Seine n’est qu’un cours d’eau bordé d’architectures ayant perdu leur substance. Apollinaire devient anachronique avec ce fleuve survolé par des drones.
Je continue mon chemin sans détourner mon regard vers le cours d’eau.
© Serge Muscat.