Le développement de la bicyclette dans les grandes villes

L’urbanisation croissante produit de nos jours des villes de plus en plus denses où les déplacements en automobile deviennent impraticables. Traverser Paris en voiture aux heures de pointe peut prendre plus d’une heure et génère chez les conducteurs un stress difficile à maîtriser. Aussi, dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants, le remède aux embouteillages est-il devenu d’utiliser la bicyclette comme moyen de locomotion, qui par ailleurs pose moins de difficultés pour le stationnement.

L’ancêtre de la bicyclette fut la draisienne inventée par l’allemand Karl Drais en 1817. Le véhicule était composé de deux roues alignées que l’on faisait avancer en poussant avec ses pieds sur le sol. Par la suite, de nombreuses innovations furent réalisées pour aboutir aux différentes bicyclettes que nous connaissons aujourd’hui.

Le parc vélocipédique français est de 21 millions dont 35,1% pour le VTT, 32,4% pour le vélo de ville, 21,2% pour le vélo de course, 9,7% pour le vélo de route, et enfin 2,7% pour le VTC. Malgré le faible pourcentage du VTC, ce dernier est en forte progression. Les ¾ des bicyclettes commercialisées en France sont importées.

A Lyon, une démarche audacieuse a produit les vélos’V. Le principe repose sur un libre service où chacun peut emprunter un vélo à une borne électronique prévue à cet effet, et le reposer à un autre endroit de la ville où se trouve une autre borne. Cependant beaucoup d’usagers se plaignent de ce type de bicyclette truffée de puces électroniques et ayant un poids bien supérieur à la moyenne. D’autres voies sont en cours d’exploration comme, par exemple, les vélos assistés d’un moteur électrique. Après Lyon qui fut le laboratoire à grande échelle, d’autres villes ont suivi le même exemple en France.

De ces constatations, nous pouvons dire que la bicyclette n’est pas morte et qu’elle possède plus que jamais encore un très bel avenir ▄

 

Il y a des moments

Il y a des moments où tout me semble confus. Cela m’arrive surtout en soirée. Là, des sensations se télescopent pour produire des états étranges où il me semble qu’il n’y a plus rien à attendre du lendemain. Un peu comme si j’avais vécu des milliers de vies et qu’il ne me restait à présent plus rien à voir, plus aucune expérience nouvelle à traverser. Ces sensations m’assaillent la plupart du temps entre 20h00 et 23h00. Durant ce laps de temps, je peux écouter la radio, parcourir des revues ou tenter de lire un livre, tout me parait insignifiant. Les informations qui me parviennent alors me semblent anciennes et usées jusqu’à la corde. Il n’y a plus d’effet de nouveauté et je plonge dans une lassitude extrême. Comme un magnétophone monté en boucle, c’est toujours le même discours que j’entends à la radio. Ce n’est pas même une voix qui semblerait provenir d’un lointain passé, non. Juste une sorte de brève portion de temps qui tourne sans cesse pour revenir au même point de départ. Ceci sous une lumière blafarde de lampe à basse consommation qui ne peut rivaliser avec l’éclairage du soleil. Ça tourne, ça tourne sans cesse, telle une soucoupe volante, avec la même irréalité qui me tient pourtant éveillé.

Durant les longues soirées d’hiver, la consistance du réel s’évapore un peu plus pour laisser la place à de vagues souvenirs d’enfance joueuse où rire et être amoureux avaient encore du sens. A présent tout m’apparaît comme à travers un verre translucide, où je ne vois que des ombres incertaines bouger devant mon regard éteint. C’était avant, à l’époque où les objets brillaient, où les couleurs étaient magiques et les odeurs enivrantes. C’était un temps où demain me paraissait infiniment loin et où le présent portait l’empreinte d’une plénitude totale. Les leçons de choses emplissaient alors toute ma vie et je m’émerveillais devant la nature grandiose. Aujourd’hui je ne retrouve plus cette majesté des arbres qui me fascinait tant lorsque j’étais enfant. L’indifférence s’est installée en moi comme une seconde nature. Tout vire à l’état de transparence et mon regard ne se pose plus sur les choses. Une transparence floutée qui ne laisse plus discerner la réalité des objets de la vie. Tout passe dans une sorte de brouillard informe et sombre.

Il est 21h30 en ce mois de janvier. C’est l’hiver au plus profond de mon âme que le soleil de midi ne parviendra pas à réchauffer.

© Serge Muscat 2014.

Je n’utilise plus de marque-page pour lire des livres

Savoir s’arrêter dans un livre a-t-il un sens ? On prend sa respiration, on médite un instant, puis on reprend sa lecture. Si l’on ne sait pas retrouver le fil d’un discours en faisant défiler les pages et que le marque-page nous est indispensable, c’est probablement parce que nous n’avons rien compris à la fausse linéarité d’un livre. Lorsque l’on plonge dans les propos d’un ouvrage comme dans une eau claire, le marque-page devient alors superflu. Car chaque phrase est soigneusement archivée dans les tiroirs de la mémoire, et à peine ouvrons-nous à nouveau le livre que nous savons où nous nous trouvons dans le discours de l’écrivain. De plus, pourquoi serions-nous obligés de suivre la numérotation des pages ? J’imagine parfois des livres sans pagination, où le propos de l’auteur serait notre seul guide. Pourquoi ne commencerions-nous pas par les dernières pages d’un livre ? Cela éliminerait tous les mauvais romans à intrigue qui ne tiennent que par leur dénouement. Car toute fin est arbitraire et artificielle. Cela ne s’arrête jamais, tout est une suite perpétuelle que seule la mort stoppe définitivement. Aussi la fin d’un livre est-elle aussi un début. Dans ces conditions, commencer par la première page n’a-t-il pas plus de sens que de commencer par la dernière.

Laisser un livre s’ouvrir au hasard est aussi une joie que l’on devrait enseigner à l’école. Ainsi les élèves deviendraient-ils des dadaïstes sans le savoir. Ouvrir les pages d’un livre au hasard, c’est analyser un texte en profondeur. Rien n’empêche de revenir sur les passages déjà lus au cours d’une deuxième ou d’une troisième lecture. Combien de lecteurs n’ont-ils pas lu de brefs passages d’un livre au hasard avant de l’acheter ou de l’emprunter dans une bibliothèque. Comme on goûte la nourriture, il nous faut goûter les propos de l’auteur afin de savoir s’ils sont à notre convenance. D’autre part à notre époque où la littérature et le cinéma sont envahis par ce qu’on appelle le thriller, ouvrir un livre au hasard, et surtout à la dernière page, permet de ne pas dépenser son argent dans un livre à intrigue. Car ouvrir un livre au hasard c’est aussi désamorcer l’intention de certains auteurs de nous manipuler avec des fictions dont tout repose sur la chute finale.

Les jours qui s’écoulent n’ont aucun marque-page pour repère. Si un livre doit représenter la vie, alors le livre doit être comme l’existence, c’est-à-dire sans repères particuliers et d’une circulation fluide où chaque instant a toute son importance. Le livre de la vie peut être un peu jauni, mais il reste toujours lisible par les plus jeunes afin qu’il transmette sa pensée aux générations successives.

Lorsque vous ouvrez un dictionnaire au hasard, vous êtes pris dans un tourbillon de renvois à d’autres endroits du dictionnaire, et ceci d’une manière presque interminable. Dans cet inextricable jeu de correspondances où chaque mot en appelle à un autre mot, il est bien difficile de marquer une quelconque page. Dans cette architecture flottante de papier, vous rebondissez telle une boule de billard dans tous les recoins de l’ouvrage. Impossible dans une telle mouvance de fixer un point d’ancrage.

Le marque-page tout comme le surligneur sont des résidus de l’école sans avoir réussi à atteindre vraiment la maturité. Un livre truffé de marque-page révèle un esprit inquiet et incertain. Ce ne sont là que des béquilles intellectuelles qui ne servent en fait à pas grand-chose sinon à embrouiller un peu plus la pensée. Ne pas se laisser emporter par l’ordre apparent d’un livre est une sage discipline. Et remonter le cours d’eau tel un saumon est encore la meilleure solution pour comprendre les propos d’un auteur

© Serge Muscat – mars 2018.

La brisure de l’âge adulte

« Tu pourras le faire lorsque tu auras dix-huit ans » dit le père à son fils. Ils sont nombreux les enfants qui rêvent d’avoir leur majorité. Pourtant, une fois atteint l’âge adulte, ils regretteront durant toute leur vie cette période de l’enfance où tout était prétexte aux jeux et à la découverte. Même les blessures sont peu de choses en regard des joies intenses que l’on éprouve. Et peu importe que l’on ne comprenne pas encore le réel dans sa complexité. L’essentiel est que nous sommes entièrement tendus vers le désir de tout essayer et de tout voir.

Nombreux sont ceux qui perdent très rapidement cette insatiable curiosité et cet émerveillement qui caractérisent l’enfance. D’autres conservent ce regard presque toute leur vie. Souvent la rudesse de l’existence empêche de conserver cette fraîcheur d’esprit, en nous faisant plier à un principe d’une réalité impitoyable produite par les hommes. Puis les enfants ne sont aussi pas tous les mêmes. La différence entre eux est la même que celle entre les adultes. Malgré cela, nous passons de merveilleux moments avec nos camarades que l’on ne reverra plus une fois devenus adultes. Car les différences en gestation deviendront plus tard de grands fossés infranchissables. C’est aussi comme cela que l’âge adulte nous apprend la solitude même en étant sociable.

Les enfants jouent entre eux alors que les adultes commercent et, parfois, s’entre-tuent. La petite dispute dans la cour de récréation se transforme à l’âge adulte en monstrueuse tuerie. L’âge de raison est aussi l’âge de la déraison et de la folie meurtrière.

Nous avons tout à apprendre de nos jeunes années ; et celui qui oublie son enfance deviendra un aveugle incapable de voir les merveilles de la nature et de la vie. Celui qui refuse l’enfant qui est en lui sombrera dans la bêtise et la barbarie. Et il ne s’agit ici nullement de régression, pour ceux qui seraient enclins à procéder à une psychanalyse de bazar. Il s’agit juste de ne jamais oublier le petit chercheur que nous avons été lorsque nous faisions notre découverte du monde qui nous entourait.

Pris entre le désintérêt pour tout et l’appât du gain, il ne reste à l’âge adulte plus beaucoup de chercheurs authentiques. Car lorsqu’on n’est plus capable de s’émerveiller, il ne reste que la consommation passive de produits inutiles et sans significations pour tenter de donner un peu de saveur aux jours qui passent. Ainsi les individus se résignent-ils à l’achat toujours croissant d’objets qui finissent dans un placard. Le rêve se transforme en fétichisme et en pensée animiste. C’est aussi cela devenir adulte ; avec tout ce que cela comporte d’atrophie de l’imagination. De l’enfance jusqu’à l’âge de raison, l’imaginaire décroît proportionnellement à l’approche du seuil de « singularité ». Arrivé à ce stade, l’homme n’agit plus que par le biais de prothèses techniques interposées. C’est le règne du post humain ou de l’homme augmenté. Toujours est-il que ce n’est pas de l’imagination dont l’homme est augmenté, mais bien plutôt d’une « pensée » calculante.

Qu’elle est loin mon enfance où je grimpais dans les arbres pour voir le monde d’un peu plus haut. A présent prendre de l’altitude se réalise par l’intermédiaire de drones toujours plus performants. On ne grimpe plus aux arbres mais l’on appuie sur des manettes en regardant un écran. Nous sommes tous devenus des spectateurs en puissance avec nos téléphones portables que nous consultons presque jusque dans notre sommeil. La vie est devenue un film interminable que l’on regarde en 3D.

Où sont les jouets de mon enfance, les figurines et les petits soldats, les maquettes et les jeux de construction ? Tout semble avoir été aspiré dans le trou noir des écrans. Il ne reste plus rien, seulement une image en haute définition.

Tout devient flou dans ma mémoire, il est temps pour moi d’éteindre l’ordinateur.

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© Serge Muscat – septembre 2018.