Habituellement je me méfie des abeilles. Indispensables à la planète, elles ont toutefois un moyen de défense persuasif : elles piquent.
Comment savoir ce qui se passe dans la minuscule tête d’une abeille, et être certain qu’elle ne vous piquera pas ?
Les abeilles sont comme les humains. Elles font du miel comme les pâtissiers font des gâteaux. Mais comme l’abeille peut vous piquer, le pâtissier peut également vous empoisonner.
Il se trouve qu’en cette journée d’été, une abeille s’est introduite par la fenêtre pour venir se poser sur l’écran de mon ordinateur. Je ne fais alors aucun geste brusque et l’observe en train de se promener. Son esthétique est agréable. C’est un bel insecte. Sur cet écran elle ne risque pas de trouver la moindre trace de pollen. Soudain elle s’immobilise en me faisant face et semble me regarder droit dans les yeux. La vision d’une abeille n’est pas bien nette. Aussi je me pose des questions quant à ce qu’elle peut discerner de ma personne.
Elle finit de m’observer fixement puis commence à se passer les pattes de devant sur la tête avec des gestes rapides. Le fait qu’elle soit occupée me rassure. Ce que j’apprécie chez les abeilles, tout autant que chez les fourmis, c’est que ce sont des insectes sociaux. En ce sens, ils ont un point commun avec les humains : ils collaborent pour atteindre des objectifs communs.
L’abeille a repris sa marche. Elle est maintenant au centre de l’écran. Je n’ai plus la force de l’observer. N’ayant pas du tout dormi la nuit dernière, je me sens pris d’une intense fatigue. J’entends alors un bourdonnement. Je vois tout à coup l’abeille traverser la pièce et franchir la fenêtre laissée ouverte.
Saisissant ma souris, je fixe sur l’écran le pointeur. C’est à ce moment que j’aperçois comme une tâche au milieu de l’écran. Je m’approche et vois une sorte de pointe sur la surface de verre. Passant alors mon doigt, je sens une nette rugosité. J’essaie de gratter avec l’ongle mais rien n’y fait. Cette abeille a définitivement marqué mon écran, me dis-je. Tant pis, je finirai bien par m’habituer…●
© Serge Muscat 2014.