Il y a des moments

Il y a des moments où tout me semble confus. Cela m’arrive surtout en soirée. Là, des sensations se télescopent pour produire des états étranges où il me semble qu’il n’y a plus rien à attendre du lendemain. Un peu comme si j’avais vécu des milliers de vies et qu’il ne me restait à présent plus rien à voir, plus aucune expérience nouvelle à traverser. Ces sensations m’assaillent la plupart du temps entre 20h00 et 23h00. Durant ce laps de temps, je peux écouter la radio, parcourir des revues ou tenter de lire un livre, tout me parait insignifiant. Les informations qui me parviennent alors me semblent anciennes et usées jusqu’à la corde. Il n’y a plus d’effet de nouveauté et je plonge dans une lassitude extrême. Comme un magnétophone monté en boucle, c’est toujours le même discours que j’entends à la radio. Ce n’est pas même une voix qui semblerait provenir d’un lointain passé, non. Juste une sorte de brève portion de temps qui tourne sans cesse pour revenir au même point de départ. Ceci sous une lumière blafarde de lampe à basse consommation qui ne peut rivaliser avec l’éclairage du soleil. Ça tourne, ça tourne sans cesse, telle une soucoupe volante, avec la même irréalité qui me tient pourtant éveillé.

Durant les longues soirées d’hiver, la consistance du réel s’évapore un peu plus pour laisser la place à de vagues souvenirs d’enfance joueuse où rire et être amoureux avaient encore du sens. A présent tout m’apparaît comme à travers un verre translucide, où je ne vois que des ombres incertaines bouger devant mon regard éteint. C’était avant, à l’époque où les objets brillaient, où les couleurs étaient magiques et les odeurs enivrantes. C’était un temps où demain me paraissait infiniment loin et où le présent portait l’empreinte d’une plénitude totale. Les leçons de choses emplissaient alors toute ma vie et je m’émerveillais devant la nature grandiose. Aujourd’hui je ne retrouve plus cette majesté des arbres qui me fascinait tant lorsque j’étais enfant. L’indifférence s’est installée en moi comme une seconde nature. Tout vire à l’état de transparence et mon regard ne se pose plus sur les choses. Une transparence floutée qui ne laisse plus discerner la réalité des objets de la vie. Tout passe dans une sorte de brouillard informe et sombre.

Il est 21h30 en ce mois de janvier. C’est l’hiver au plus profond de mon âme que le soleil de midi ne parviendra pas à réchauffer.

© Serge Muscat 2014.

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