Regards croisés sur quelques séries

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Série qui n’a pu être imitée, Chapeau melon et bottes de cuir possède néanmoins des éléments filmiques communs avec les autres séries télévisées des années 70 comme Les envahisseurs ou Le prisonnier. Cette période était florissante pour ce qui concernait la créativité. Il faut dire que toute cette ébullition était également liée à la guerre froide et à la fin, non très lointaine, de la seconde guerre mondiale.

Si nous regardons par exemple la série Les envahisseurs, nous constatons que pas une seule fois David Vincent est vu en train de prendre un repas ou d’avoir le front qui transpire, même sous un soleil ardent. Le personnage principal semble ne pas avoir de corps et n’éprouver aucune émotion. Il est presque aussi froid que les créatures qu’il poursuit.

David Vincent est un architecte fantôme qui ne fréquente quasiment jamais les chantiers. Quant à John Steed, ce n’est guère plus convaincant. La mythologie des personnages de séries repose sur le fait que ces derniers ont un corps tout autant qu’ils n’ont pas de corps réel, tels des dieux ou des déesses. D’autre part, si Roland Barthes avait souligné le rôle de la sueur dans le cinéma américain, dans les séries la transpiration est inexistante.

Les ressorts des séries ne sont pas les mêmes que ceux du cinéma. Par le fait même qu’une série repose sur un grand nombre d’épisodes, tout réalisme demeure impossible. Car la série est par essence totalement irréelle. Le même mécanisme se produit au cinéma avec les trilogies. Intuitivement nous disons que le deuxième, puis le troisième film ou plus sont « moins bons » que le premier. C’est qu’une fiction réaliste ne peut être réalisée que dans un seul film en un seul épisode. 2001 l’Odysée de l’espace aurait était dénaturé si Stanley Kubrick en avait fait une trilogie.

A présent regardons d’un peu plus près la série culte des années 70, Le prisonnier. L’emblématique numéro 6 pourrait être l’objet d’une longue analyse. Nous pourrions dire que chacun de nous peut devenir le numéro 6. Ainsi cet univers fermé sur une île dotée d’une multitude de moyens de surveillance est-il propre à devenir fou. Cependant le protagoniste résiste avec une force ingénieuse avec laquelle nous nous identifions. Les numéros 2 successifs s’acharnent sur lui, mais il résiste avec vigueur.

Un autre élément concerne la dépersonnalisation des habitants du village. Il est intéressant de remarquer aussi que ceux qui dirigent le village portent également des numéros.

Cette série était bien en avance sur son temps puisque la surveillance omniprésente dont font l’objet les habitants se retrouve réalisée avec l’évolution de l’informatique actuelle. Le village de cette série est en fait devenu le village global, avec la surveillance généralisée dont font l’objet des populations de plus en plus nombreuses sur la planète.

Toutes les tentatives de fuite du village sont infructueuses où cependant au dernier épisode il réussit à s’enfuir. Dans celui-ci il est face à un public cagoulé et participe à un jugement fictif avant de quitter l’île.

Après ces épisodes, le contraste est saisissant avec « la vie retrouvée » dans la capitale londonienne. De numéro 6, il retrouve enfin son identité, son prénom et son nom. Le village n’a pas eu raison de lui et il n’a pas donné les informations que le numéro 2 tentait de lui extirper

© Serge muscat 2022.

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