Je la vis tomber du ciel. Belle et lumineuse, elle ressemblait à une grande étoile de mer. Je me baissai puis la pris dans ma main. A mon grand étonnement, je m’aperçus qu’elle bougeait légèrement.
_ J’ai fait un long voyage épuisant pour venir jusqu’à toi, me dit l’étoile. Les nuits étaient d’une obscurité effroyable et les soleils peu nombreux. J’ai d’ailleurs la sensation d’avoir perdu un peu de ma lumière.
_ Je trouve que tu es encore très belle et étincelante. Ce n’est pas comme moi dont la lumière se trouve à l’intérieur et avec laquelle il ne m’est donc pas possible d’éclairer mon chemin. J’ai marché durant des heures, des mois et des années dans la tristesse, avec l’espoir que tu viendrais à ma rencontre. Dans l’obscurité, tellement tu étais lointaine, je me cognais contre tous les obstacles, même si parfois je croyais savoir où j’allais. Et tu ne t’apercevais même pas de mes tâtonnements.
_ Je cherchais à comprendre.
_ Il est parfois nécessaire de ne pas chercher à comprendre pour justement mieux comprendre les choses.
Toujours dans ma main, elle doubla brusquement de volume en modifiant légèrement sa forme, devint plus lourde, puis, tout en se métamorphosant, sauta pour atterrir alors sur le sol en apparaissant dans sa vraie physionomie.
_ Je ne me lasserai jamais de te regarder, lui dis-je avec un léger sourire cependant empreint de gravité.
_ Même lorsque ma lumière sera proche de rejoindre l’obscurité ?
_ C’est sans importance. Je serai moi aussi proche de l’obscurité. Ce qui fait que je percevrai mieux ta lumière que sous un ardent soleil.
J’aimais en elle le blond discret de sa chevelure qui était en parfaite harmonie avec la couleur de ses yeux. Son visage était d’un paisible sérieux d’où émanait le rayonnement de l’intelligence. Je ne savais pas grand chose d’elle et pourtant je l’aimais. Aussi m’ouvrais-je à elle comme si nous nous connaissions depuis toujours. Sous sa clarté j’avais enfin la délicieuse sensation de ne plus être seul. Elle était mon œuvre d’art vivante faite pour me tenir compagnie. Et le bonheur irradiait tout mon être.
_ Lorsque, de là-haut, j’apercevais la lumière de ta fenêtre, je me demandais à quoi tu pouvais bien penser. Du ciel, je n’avais d’yeux que pour cette minuscule lumière perdue au milieu des milliards de points lumineux.
Elle prit alors ma main. Je sentis une étrange sensation se transmettre de mon bras au reste de mon corps.
_ Tu aimerais partir en voyage avec moi? me demanda-t-elle.
_ Je ne désire qu’une seule chose : être avec toi.
_ Alors viens.
Nos deux corps s’illuminèrent soudain, puis nous traversâmes le ciel en laissant derrière nous une longue trainée lumineuse.
Deux amoureux allongés dans l’herbe se regardaient en silence. Tout à coup elle leva les yeux et dit:
_ Regarde comme c’est joli, il y a deux étoiles filantes qui passent dans le ciel.
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Copyright 2000 Serge Muscat
Publié dans la revue Inédit n°143, juin 2000 (Belgique).