Dans une petite rue de Paris, sont alignés des commerces de restauration rapide, des marchands de sandwichs grecs, de crêpes et de choses de ce genre. La plupart de ces commerçants sont d’origine étrangère, mais le mot étranger a-t-il un sens ? Ne sommes-nous pas tous des sortes d’étrangers ? Ou alors encore les étrangers n’existent pas, car ils appartiennent tous à la même Terre sur laquelle des hommes viennent au monde dans un enfer produit par d’autres hommes.
Ces commerçants, donc, ne prennent jamais de vacances et font beaucoup d’heures durant tous les jours de la semaine, y compris le samedi et le dimanche. Ils ne sont pas très riches et la signification de leur existence réside dans le travail qu’ils font. J’ai beaucoup de mal à les comprendre, et même encore aujourd’hui ils restent assez mystérieux pour moi. Ils gagnent leur vie comme ils peuvent et ne sont pas des dirigeants de la Silicon Valley. Ils sont devenus des hyper sédentaires alors qu’ils ont encore la force physique de se déplacer, travaillant toute l’année dans leur petit commerce. Ils ont chacun leur personnalité et partagent néanmoins une culture commune. Car on ne peut échapper à la culture acquise pendant son enfance. On n’efface pas la mémoire et les souvenirs. De là proviennent probablement l’incompréhension et les conflits entre les hommes. Chacun vient forcément de quelque part. Et les pays ainsi que les classes sociales sont très hermétiques. Les plus hermétiques sont malheureusement bien souvent les plus intolérants et les moins curieux. De plus notre cerveau n’a pas la capacité d’absorber toutes les cultures présentes sur la planète, en plus de notre conditionnement opéré pendant notre enfance. Et les commerçants de cette petite rue n’échappent pas à cette règle, bien au contraire même, car ils ont pour la plupart fait très peu d’études dans leur pays d’origine et aussi dans le pays dans lequel ils ont choisi de vivre.
Face à toutes ces limitations plus ou moins inhérentes à l’homme, et qu’il sera très difficile de faire disparaître, la vie sur terre sera encore promise pendant très longtemps à la souffrance, souffrance causée à chacun par ses semblables. Et ce n’est pas le commerce mondial généralisé qui changera les choses, étant donné que celui-ci repose sur le capitalisme toujours plus débridé, où chacun rêve de s’enrichir toujours plus en exploitant d’autres gens. C’est là le revers et la face sombre de la liberté économique, même si elle comporte des bienfaits. Ces problèmes sont malheureusement insolubles, et personne n’a de réponses valables à proposer.
Je n’achète pas les sandwichs ou les crêpes proposés par ces petits commerçants car je suis du quartier. Ils font partie de ce grand tout qui est le commerce mondialisé, et ce sont la plupart du temps des jeunes de la banlieue et les touristes venus de très nombreux pays qui achètent leurs produits. Ces commerçants restent comme je l’ai dit un mystère que je réussirai peut-être un jour à élucider.
© Serge Muscat – avril 2025.