L’explosion de l’enseignement à distance avec le développement du numérique

L’enseignement à distance existe depuis très longtemps. Selon Wikipédia, l’enseignement à distance remonte à 1840, fondé en Angleterre par Isaac Pitman. Puis, progressivement, il s’est développé, avec pour unique outil de médiation les services postaux. Puis l’invention de l’électronique, avec par exemple la radio et ensuite la télévision, permit une communication en temps réel tout en y ajoutant l’audio et le visuel dans la transmission d’informations, en plus des informations manuscrites et imprimées. Et c’est avec la réalisation de l’électronique numérique (qui auparavant était intégralement analogique) et du développement des réseaux (dont Internet est le plus abouti, même si avant Internet il y avait le réseau téléphonique et la communication par ondes radio) que se fit jour un enseignement à distance très répandu. Nous en arrivons donc à aujourd’hui.

De nos jours un très grand nombres d’universités proposent des formations à distance et de très nombreuses recherches sont menées en informatique et en sciences de l’éducation pour améliorer ce mode d’enseignement. Même les cours en présentiel font de plus en plus appel à des compléments en ligne par le biais de l’informatique. L’électronique numérique est une révolution aussi importante que ne le fut l’invention de l’imprimerie (laquelle imprimerie est également de nos jours numérique).

Après ce bref historique, nous trouvons dans tous les pays du monde un enseignement à distance basé sur l’ordinateur personnel et le réseau Internet (auquel on accède soit par la fibre optique soit par ondes radio). En ne regardant que la France, on trouve un portail où sont rassemblées les formations à distance des différentes universités. Ce portail, qu’il reste à améliorer, héberge la FIED qui a été créée en 1987. Vous pourrez le consulter et y trouver, si toutefois il est mis régulièrement à jour, les formations disponibles en EAD. Cela évolue régulièrement, au fil des innovations informatiques et pédagogiques. Il y a également la question du financement. Car l’infrastructure technique, comme le matériel informatique avec les logiciels, les informaticiens pour s’occuper des serveurs, etc. Ce mode d’enseignement est surtout utilisé pour la formation continue, afin d’acquérir de nouvelles compétences tout au long de la vie, car nous vivons dans un monde qui change vite et où chacun doit posséder une pluridisciplinarité de plus en plus grande qui nécessite une approche de la complexité, comme en parle Edgard Morin avec son concept de « pensée complexe ». Toutes les disciplines ne sont pas encore enseignées en EAD, mais cela progresse tout de même. Cela nécessite de nouvelles approches pédagogiques et aussi une connaissance généralisée à tous les enseignants, y compris ceux des disciplines littéraires qui ne connaissent que très peu de choses en sciences dures et informatiques, l’informatique ayant comme substrat les sciences dures (c’est aussi pour cette raison que ceux qui étudient les sciences dures sont beaucoup plus à l’aise avec l’informatique que ceux qui ont fait un parcours « exclusivement littéraire » en connaissant à peine les lois de base de l’électricité et l’algèbre de Boole qui participent au fonctionnement d’un ordinateur, l’idéal étant de connaître aussi bien cela que les théories littéraires pour ceux qui s’occupent de littérature et de philosophie (la philosophie étant une variante du discours littéraire, ces deux disciplines étant la plupart du temps regroupées au sein d’une même UFR). Nous voyons donc bien vite les difficultés que cela soulève étant donné la spécialisation actuelle des formations. Je pourrais presque dire que c’est à chacun de ne pas aller dans la direction épistémologique actuellement proposée et de s’inspirer de certains personnages de l’histoire comme par exemple Léonard de Vinci, lequel était bien plus intelligent que tous les ministres de l’enseignement supérieur que nous avons eus depuis la création de ce ministère en France. Pour réellement « créer », il faut parfois être un peu rebelle et sortir de la pensée conservatrice et fixiste, comme l’avait fait Maria Montessori à son époque en inventant de nouvelles formes d’éducation. En ce XXIe siècle, il ne suffit plus d’avoir « une tête bien faite », il faut surtout avoir une tête bien pleine et surtout remplie de connaissances très variées, et donc en ne respectant pas l’idéologie dominante qui énonce qu’un individu ne peut pas « faire  plusieurs choses et étudier plusieurs disciplines à la fois ». Comme les philosophes de profession qui n’ont à la bouche que le mot de Platon, je dirai, pour ma part, comme précédemment, qu’il faut prendre exemple sur Léonard de Vinci, lequel est mon Platon de ceux qui enseignent la philosophie à l’université. Évitez de trop discuter avec les « spécialistes », c’est-à-dire ceux qui refusent d’étudier autre chose que leur domaine restreint et qui n’ont en fait aucune curiosité et une étroitesse d’esprit couplée à une bonne dose de paresse et de feignantise, en produisant durant toute leur vie le même discours professoral, en ne changeant qu’une seule virgule de temps en temps au fil des ans. S’ils sont « spécialistes » c’est la  plupart du temps pour la sécurité et le « confort matériel », parce qu’ils ne peuvent pas avoir une totale indépendance financière. Ils s’accrochent donc à « leur poste de spécialiste » parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, en plus de leur étroitesse d’esprit et de leur paresse. Bref, pour en revenir à l’EAD, c’est donc une formule très utile et en plein essor qui pourra vous permettre de parfaire votre pluridisciplinarité. Cependant, il n’est pas dit que vous ne rencontrerez pas des difficultés dans le cours de votre vie « professionnelle », car ceux qui étudient trop de choses « apparemment » sans liens entre elles (alors que tout est relié de manière systémique) sont souvent rejetés du monde du travail, et plus particulièrement des entreprises privées où règne la croyance de la compétence du spécialiste, c’est-à-dire en fait de celui qui fait durant toute sa vie la même chose en ayant atteint très tôt le summum de son savoir-faire et ne progressant pas, en étant immergé dans une routine avec des habitudes et en faisant tout par « automatisme ». Or le propre d’un automatisme c’est de fonctionner en boucle, sans aucun changement, et par conséquent sans évolution possible. Mais le « spécialiste » est bien vu car il est facilement identifiable, en se disant : « il connaît bien son travail, ça fait 15 ans qu’il fait ça ». Raisonnement qui est en même temps une manière de considérer le spécialiste comme une « machine stable » qui produira toujours le même travail et qui est de plus prévisible.

Donc si l’EAD actuel permet de parfaire et découvrir différents champs de la connaissance, il convient aussi dans certains cas de cacher ce que vous étudiez à votre patron ou à votre supérieur hiérarchique (tout dépend de votre activité professionnelle) car vous risqueriez d’être confronté à de très fortes résistances, voire à un rejet pur et simple. Dans le secteur public cette démarche est déjà un peu moins freinée, mais il y a aussi des résistances, même si elles sont plus atténuées. Un comptable qui demanderait par exemple à son patron de s’absenter pour passer des épreuves liées à des études suivies en physique serait extrêmement mal perçu. Vous pourrez le vérifier. Je préfère donc vous prévenir. Léonard de Vinci, puisque je prends cet exemple en  imaginant aussi que ce personnage vous fascine, n’a pu faire ce qu’il a fait que parce qu’il avait le soutient financier d’un homme de pouvoir qui lui laissait une « totale liberté » dans ce qu’il souhaitait réaliser. Or ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui où les individus sont « orientés », depuis les études initiales jusqu’à la formation continue, en passant par les structures comme Pôle Emploi, etc. Bref, méfiez-vous donc des personnes qui ont un pouvoir quelconque sur vous, et surtout des patrons, car il faut bien travailler pour gagner sa vie.

Je vous souhaite donc un bon travail et des loisirs studieux par le biais de l’EAD. Et je rêve d’un monde où toutes les universités pratiqueraient l’EAD, et ceci dans l’intégralité des disciplines, ce qui permettrait une diffusion massive des connaissances avec des échanges sur la planète tout entière. Ce qui permettrait, au lieu de consommer des loisirs abrutissants et qui détruisent également l’environnement, comme faire par exemple une croisière sur un paquebot contenant 10000 passagers, d’apprendre des choses qui aident réellement à vivre mieux, comme comprendre un système biologique et écologique, où tout interagit sur tout, le fonctionnement des sociétés par le biais de disciplines comme l’anthropologie, où comment fonctionne le langage naturel par le biais d’une discipline comme la linguistique. Ce sont ici quelques exemples. Je vous conseille vivement les cours de Yves Muller pour une initiation à la biologie. Ce professeur est un excellent pédagogue qui de plus maîtrise parfaitement les ressources et les outils de l’informatique. Bien que cela soit une introduction à la biologie, vous aurez avec ces différentes vidéos les bases nécessaires pour comprendre le vivant. C’est ici: Cours du DAEU-B. C’est beaucoup plus intéressant qu’une mauvaise série télé ou que les réseaux sociaux. Vous pourrez compléter votre initiation avec les cours de licence de biologie animale: Cours de biologie animale. Je vous souhaite un bon visionnement avec l’espoir que vous serez émerveillé en voyant comment la nature a réalisé certaines choses.

Le livre

Le livre est un objet étrange. Dans ce rectangle de papier, l’homme y dépose ce qui lui est spécifique, c’est-à-dire la faculté de parler. Ce qui fait que l’homme est homme, et non pas un autre animal, c’est la possibilité, pour lui, de parler et de fabriquer des outils. Une fois que l’on a bien « pris conscience » de ces deux seules aptitudes pour agir sur le monde, notre comportement pour traverser le cours de notre vie, même dans les activités les plus ordinaires, s’en trouve profondément modifié.

Le livre, donc, est une sorte de réceptacle de tout ce que peut dire l’homme, depuis ses débuts, lorsqu’il apprend à parler. Cette mémoire permanente de la parole que l’on place dans des rayonnages de bibliothèque ou que l’on empile sur une table, m’a toujours semblé un peu mystérieuse. Peu importe que l’on ne comprenne pas tout dans un livre. Du reste, comprendre tout ne veut rien dire. L’essentiel est la permanence, la pérennité de ces feuilles de papier qui conservent ce que les hommes disent. Partout, dans le monde, un livre est rangé quelque part, dans l’attente qu’un lecteur vienne l’ouvrir et le lire. Si ce n’est pas dans un instant proche, cela sera le mois prochain ou dans cinq ans, ou encore beaucoup plus tard. Cette capacité de patienter, d’attendre et de s’accorder avec le désir et la volonté d’un lecteur à venir, sont ce qui fait toute sa force.

Il y a toujours à découvrir sur la seule chose que possède l’homme, c’est-à-dire la parole, et qui est déposée sur un support comme le papier. Même en ce XXIe siècle où l’ordinateur est devenu indispensable dans notre vie quotidienne, le livre est toujours cet objet privilégié qui conserve la parole des hommes. Tel un phare dans une grande tempête, il guide les individus qui s’égarent sur l’océan du devenir.

Un livre dépasse beaucoup plus ce que dit son auteur. Il est la trace laissée par toute l’humanité. Car l’auteur, bien qu’exprimant une parole personnelle et singulière, est en même temps le témoin du spectacle du monde et de toutes les paroles prononcées au cours d’une vie et aussi écrites sur divers supports. Il est aussi porteur, par le biais de la langue qu’il utilise, d’une partie de l’histoire de l’humanité. Il est la preuve de son évolution et, également, de ses errements.

Bien entendu la parole ne peut pas communiquer les sensations qu’éprouvent les hommes. Parler d’un frisson ou de l’angoisse ne peut pas faire percevoir ces deux sensations. C’est là la limite de la communication entre les individus et les générations successives. Cependant tous ont au moins une fois eu un frisson ou ont senti un moment d’angoisse. Ce qui fait que la parole n’échoue pas totalement, même pour exprimer ce que nous ressentons. Bien qu’imparfaite, elle nous permet tout de même de réaliser un grand nombre de choses en commun. Et le livre est cet objet dans lequel nous déposons toutes ces choses, en attendant patiemment.

L’animal humain est en fait très démuni. Il n’a que la parole et la main avec laquelle il fabrique des outils. Et avec ces deux éléments, il a tout de même réussi à créer des civilisations diverses. A force d’acharnement, il a su compenser ses modestes moyens donnés par la nature. Et la parole fait partie de ces moyens. Une parole que l’on utilise dans toutes les activités humaines et dont le livre est la mémoire.

A chaque moment de la vie, il y a des livres différents qui nous accompagnent. Lorsque nous en délaissons certains au fil du temps pour diverses raisons, nous en reprenons néanmoins d’autres plus en accord avec l’évolution de notre pensée et de la compréhension de ce qui nous entoure. Tout homme possède de nos jours au moins quelques livres, même pour les plus modestes. L’écriture, qui autrefois était réservée aux clercs, est à présent acquise par tous. Ce qui est un énorme progrès pour la civilisation. Toutes les langues du monde, aussi variées qu’elles soient, ont fini par être adaptées à un système d’écriture. Depuis l’invention de l’imprimerie, le livre est donc devenu un objet universel capable de conserver et de diffuser toutes les paroles des hommes. Ce fait, à présent banal, est pourtant d’une importance capitale. Et l’informatique repose sur ce fondement qu’est l’écriture sous toutes ses formes pour ses conceptions et ses réalisations.

Aussi le livre, bien qu’étant un objet assez ancien, est également très moderne et d’actualité. Il s’adapte au fil du temps, en devenant par exemple plus petit dans ses dimensions, mais il est toujours présent, et même de plus en plus présent, aux côtés de nos ordinateurs qui caractérisent ce XXIe siècle. Il accompagne nos médias électroniques évolués et complexes . Quant à savoir si le livre existera encore dans plusieurs siècles, je n’ai malheureusement pas la réponse.

Les romanciers, les nouvellistes et l’intrigue

Il ne semble plus possible aujourd’hui, pour les romanciers et les nouvellistes, d’écrire autre chose que des fictions à intrigue. Cette dernière est devenue dans bien des cas le ressort principal du succès des auteurs de littérature romanesque. La vie quotidienne étant bien souvent d’une banalité profonde pour ceux qui ne savent pas la regarder et la décrypter dans ses moindres détails, nombre de lecteurs ont besoin d’une intrigue pour ne pas bâiller une fois arrivés à la dixième ou la vingtième page, et même avant lorsqu’il s’agit d’une nouvelle.

La littérature reposant depuis bien longtemps sur le procédé du miroir «  plus ou moins déformant » de la réalité, est-il vraiment nécessaire d’inventer des situations alambiquées pour avoir quelque chose à dire ? La vie et son cortège de malheurs et de souffrances et aussi, plus rarement, de grandes joies, ne ressemblent en rien à ces intrigues toujours plus complexes inventées par les auteurs, comme un acrobate de cirque invente des numéros toujours plus époustouflants au risque de sa vie pour faire saliver le public.

Les romans et les nouvelles sans intrigue deviennent aussi rares que les métaux précieux. De ce fait, je suis souvent déçu par la littérature actuelle qui n’a que le mot « thriller » à la bouche. Il reste heureusement des auteurs comme Annie Ernaux qui n’ont pas besoin de créer une multitude de rebondissements imbriqués les uns dans les autres jusqu’à ressembler à une narration en plat de spaghettis dont, par ailleurs, beaucoup de lecteurs se délectent. Cependant cette littérature sans intrigue autre que celle de la vie devient plus rare. Si je me souviens bien, Fernando Pessoa écrivait qu’il préférait se frotter les yeux avec du sable plutôt que de lire un roman à intrigue. J’ai donc au moins la consolation que cet écrivain et d’autres partagent mon point de vue.

Les journalistes actuels pensent bien souvent pimenter leurs articles sur les romans en précisant que tel ou tel livre est un « thriller », et par conséquent qu’il vaut la peine d’être lu. Cela devient presque un label, comme il y en a sur les poulets vendus au supermarché. Pour ma part cette mention plus ou moins mise en avant dans la présentation des romans me permet de savoir immédiatement ce que je ne lirai pas et qui est sans aucun intérêt. Je remercie donc les journalistes de me mâcher le travail de sélection, lesquels s’imaginent vanter les vertus de ce genre de littérature. Celle-ci ne m’émeut pas et ne franchit pas la frontière qui sépare ma raison de ma sensibilité.

J’ai toujours détesté les fleurs artificielles et les détesterai probablement jusqu’à mon dernier souffle, même si de grands progrès seront faits pour les rendre plus « vraisemblables ».

 

La conquête de l’espace intérieur

Une femme un peu naïve me disait : « Il y a tout dans les livres. » Je ne savais pas, si toutes les réponses étaient dans les livres, si l’homme serait enfin en paix et accepterait mieux la vie en lisant des livres. Cette femme disait cela peut-être parce qu’elle n’avait pas la force de chercher elle-même les réponses à ses questions. Elle trouvait cependant agréable et libérateur le fait de trouver des réponses dans les livres, comme d’autres cherchaient des réponses en regardant la télévision ou en faisant une promenade en forêt. Elle disait qu’on trouvait tout dans les livres aussi parce qu’elle n’avait pas encore pris conscience que d’autres qu’elle cherchaient aussi des réponses. Ainsi elle découvrait qu’elle n’était pas seule, malgré son profond sentiment de solitude. Des hommes et des femmes lui donnaient quelques réponses à ses questions. Sans en prendre pleinement conscience, elle découvrait ce que l’on appelait le social. Car les livres étaient écrits par des humains comme elle, alors qu’elle avait cette indescriptible impression que les livres venaient d’un autre monde, comme si des dieux les écrivaient, en ne s’imaginant pas un seul instant que leurs auteurs prenaient le métro comme elle, lorsqu’elle allait au travail, et qu’ils faisaient également la queue au supermarché. Elle attribuait sans s’en apercevoir un caractère divin aux livres, comme si ceux-ci provenaient du monde des cieux et dont les auteurs n’avaient pas de corps.

Ainsi lorsqu’elle apprenait la mort d’un auteur qu’elle appréciait, elle ne voulait pas y croire vraiment, car pour elle ceux qui apportaient des réponses dans les livres demeuraient comme immortels et n’étaient pas soumis aux lois de la difficile condition humaine. Puis, après quelques instants, elle finissait par accepter que cet auteur dont elle avait appris la mort n’était en effet plus de ce monde et qu’il était aussi vulnérable qu’elle. Il ne serait plus là pour lui apporter des réponses. Et à ce moment précis, elle se trouvait alors dans une solitude extrême. Il n’y aurait plus de réponses dans les livres de cet auteur qu’elle lisait, et s’apercevait alors qu’elle devait trouver elle-même des réponses aux questions qu’elle se posait. C’était une épreuve redoutable. Elle comprenait alors que tout n’était pas dans les livres et que de plus leurs auteurs mourraient.

Ainsi la prise de conscience du social s’accompagnait également de la constatation que l’homme ne pouvait pas se passer de ses semblables et qu’ils apportaient un sens à la vie de chacun. L’homme était seul sans pouvoir toutefois vivre sans les autres.

Les réponses aux questions ne se trouvaient pas uniquement dans les livres. Elle se manifestaient partout, dans le sourire de la boulangère, chez le facteur à qui l’on disait bonjour, chez ceux aussi qui ne pouvaient pas lire de livres en étant trop épuisés par le travail, chez ceux également qui essayaient de survivre dans une misère profonde, chez ces naufragés de la vie perdus dans une société dont ils ne comprenaient pas les rouages.

Cette femme qui pensait que toutes les réponses se trouvaient dans les livres était encore jeune. Dix ans plus tard elle se mit elle aussi à écrire des livres. Elle avait appris à chercher des réponses par elle-même, et le fait de partager ces réponses lui procurait une certaine joie. En retour les lecteurs lui apportaient d’autres réponses dont elle n’avait pas elle-même trouvé de solution. Et elle se disait que c’était là le seul et unique sens de la vie.

James Bond et la technologie

Lorsque nous regardons les adaptations faites au cinéma des romans de James Bond écrits par Ian Fleming, le spectateur est souvent sous la fascination d’un déluge technologique. Ainsi lui sont montrés des gadgets à profusion et des hommes qui dominent le monde par l’intermédiaire de la technologie. Il y a en quelque sorte une bonne technologie, celle que possède James Bond, et une mauvaise technologie, celle qui sert à asservir l’humanité et dont s’empare le méchant combattu par James Bond.

Il est à remarquer que l’objet de chaque mission entreprise par l’agent secret est d’empêcher l’appropriation par le méchant d’une nouvelle technologie qui, dans les mains de ce dernier, nuira à la société. Ainsi on comprend assez rapidement que la technologie en elle-même n’est pas forcément négative et porteuse de dystopie, et qu’elle dépend avant tout de l’utilisation qui en est faite par l’homme. Dans la plupart des technologies réalisées, rarement sont réellement pensées les utilisations et les conséquences qui sont engendrées par ces technologies. La quête de la nouveauté et de l’innovation pour l’innovation sont avant tout le moteur de celui qui innove, comme ceux qui font de l’art pour l’art avec le simple objectif de faire du nouveau.

Ainsi dans les films de James Bond c’est le méchant qui révèle l’utilisation possible d’une technologie à laquelle son créateur n’avait pas pensé. L’utilisation faite par le méchant de la technologie est toujours détournée et différente de celle imaginée par son créateur. Par exemple les médias de masse sont utilisés pour diriger l’opinion de la planète, et non pour éclairer le citoyen. Ou alors un fanatique partisan de l’eugénisme veut utiliser certaines inventions pour faire disparaître une partie des hommes et ne conserver qu’un groupe d’élus qui, selon lui, sont les plus aptes à perpétuer une espèce humaine parfaite.

Ainsi, sans être vraiment de la science-fiction, les James Bond questionnent le rôle et l’utilité de la techno-science dans la société. Et l’utilité de cette dernière est toujours positive entre les mains de James Bond, alors qu’elle est destructrice entre les mains de celui qui joue le rôle de méchant et qui incarne le mal. Bien utilisée, cette techno-science semble utile et capable de résoudre de nombreux problèmes tout en étant porteuse d’espoir. Contrairement aux films qui traitent de la dystopie, la techno-science est envisagée comme une sorte de fin ultime de l’humanité. Du reste les James Bond se terminent toujours avec une note d’espoir où l’amour et le bien triomphent sur le mal. Et ce bien est du côté de la technologie et de ceux qui la font.

Nous retrouvons là l’utopie américaine, mais aussi de nos jours mondiale dans une certaine mesure, que la technologie va résoudre tous les problèmes de la condition humaine, et qu’elle va lui faire accéder à ce fameux bonheur dont tout le monde parle et dont personne ne sait exactement ce qu’il est, de quoi il est constitué. James Bond est donc une apologie de la techno-science, comme les transhumanistes voient en cette dernière le salut pour l’humanité. Quant à savoir ce à quoi serait confronté l’homme qui réussirait à devenir immortel par le biais de la technologie, c’est une question que ne semblent pas se poser les transhumanistes ou les films de James Bond.

Demain les posthumains ou pourquoi le futur a encore besoin de nous

Que va devenir l’humanité avec le développement croissant des machines ? Question lancinante que Jean-Michel Besnier se pose et dont il propose des réponses face à cette rencontre avec le non-humain. Pour lui, le non-humain est digne d’une morale et il nous présente une éthique des robots. Car les machines dont il parle sont douées des capacités d’interagir avec l’environnement comme les êtres vivants.

Les robots n’ont pas la capacité de souffrir, cependant rien n’empêche d’imaginer que dans les développements futurs les machines n’auront pas peut-être atteint une telle complexité qu’elles s’apparenteront à la complexité du vivant. C’est du moins ce dont parle l’auteur en tentant de prendre des exemples sur les technologies actuelles et leurs potentialités. Il reste toutefois prudent sur certains développements de la technique, comme par exemple l’escamotage du corps dans l’imaginaire transhumaniste. Dans le désir de fluidité, le corps devient encombrant à partir du moment où l’on peut uploader la pensée dans une machine. Une « deuxième vie » est possible lorsqu’on se débarrasse du corps. Ce corps qui nous fait prendre conscience de notre finitude. Une fois la conscience téléchargée dans une machine, nous voilà promus au rang des immortels !

D’autre part, pour Jean-Michel Besnier la transgression serait à la base de la culture. La culture est une transgression à l’endroit de la Nature. La Nature n’est pas clémente envers l’homme, contrairement à ce que pensait Rousseau. La culture est nécessaire pour libérer l’homme de l’emprise de la Nature. Et il est difficile de dire où s’arrête la culture et si elle ne doit pas totalement renverser la Nature en la désacralisant. La technique ne s’oppose pas de façon radicale à la Nature. Il y a en fait une intrication entre les deux. Et opter pour l’extrémisme est néfaste dans les deux cas pour l’homme.

L’androïde ou le cyborg ne puisent leurs sources que dans un désir ancestral de fabriquer des machines, des plus rudimentaires jusqu’aux plus sophistiquées. La différence c’est qu’en ce début de 21e siècle nous atteignons un stade encore jamais atteint auparavant. Le robot se rapproche de plus en plus de l’humain, jusqu’à créer un phénomène de malaise chez l’homme. Ce dernier cherche à faire ressembler la machine à son image, mais arrivé à un certain point il y a un mécanisme de rejet car l’homme se sent comme humilié. Il ne semble pas y avoir de limites à l’évolution des machines, et c’est ce qui commence à en inquiéter certains. Car, par exemple, dans une usine automatisée, l’homme devient un élément gênant et non nécessaire au bon fonctionnement des machines. De plus la technique concerne aussi le vivant avec les biotechnologies. Ainsi l’homme qui se croyait supérieur à la machine par le fait qu’il soit biologique en vient à être concurrencé avec des techniques comme le clonage.

L’externalisation de notre mémoire par la biais des machines informatiques est un danger pour la préservation de notre histoire. Les partisans du transhumanisme ont le regard uniquement porté vers le futur. Pourtant les archéologues sont tout autant utiles à la société que les ingénieurs et les informaticiens. Une civilisation qui ne cherche pas à comprendre ce qu’il y avait avant, comme par exemple l’origine de la Terre ou l’origine de la vie prend de grands risques.

A partir du moment où la conscience ne serait plus le propre de l’homme, tout peut prendre une orientation différente. La conscience étant basée sur un système de rétroactions permanentes, rien n’empêche de concevoir une machine ayant ces caractéristiques. C’est du moins la thèse que défendent certains transhumanistes lorsque les machines auront atteint ce fameux seuil de la « singularité ». Et le réseau Internet transforme progressivement la terre en gigantesque cerveau planétaire électronique.

Cette mésestime de soi, comme le dit Jean-Michel Besnier, pour aboutir à un cyborg dénué de toute métaphysique est-elle la suite logique de l’évolution de l’espèce humaine ? Il est bien délicat de s’avancer sur ce terrain glissant et incertain. Ce que l’on peut dire, néanmoins, est que l’homme va devoir apprendre à vivre avec des machines de plus en plus évoluées. Et de ce fait, il va lui falloir développer une nouvelle éthique qui prenne en considération ces machines. Tout est affaire de modération et c’est la juste mesure qui nous aidera à vivre en harmonie avec le vivant mais aussi avec les machines qui, du reste, existaient déjà avec le moulin à vent ou à eau

 

Internet et le livre: deux éléments qui forment le grand fleuve de la lecture

Lorsque dans les années 80 est apparu le Minitel, tout le monde s’est écrié qu’avec cet instrument le livre allait disparaître. Or nous sommes aujourd’hui au web 3 et la consommation de papier imprimé n’a jamais été aussi élevée.

L’arrivée des écrans plats pourrait donner à penser que cette fois-ci la mort de l’imprimé est certaine. Pourtant nous constatons que les bibliothèques contiennent un nombre toujours plus important de livres, de magazines et de revues. Cette croyance en la disparition prochaine du papier depuis deux décennies tient pour une bonne part de la raison suivante : la pensée a une fâcheuse tendance à fonctionner par substitution. Ainsi, lorsque apparaît une nouvelle technologie, on pense la plupart du temps que celle-ci va faire disparaître la précédente. Or cela ne se déroule pas toujours ainsi. Il y a beaucoup plus d’ajouts, d’empilements, plutôt qu’un processus soustractif. Ainsi pour les différentes technologies de conservation des informations dont l’écriture, le papier reste présent malgré toutes les technologies qui lui furent greffées. Et les ordinateurs avec les imprimantes produisent des quantités considérables de documents. La pâte à papier est décidément plus coriace qu’on ne l’imaginait.

Internet, contrairement à ce que l’on a beaucoup dit, favorise le développement de l’édition traditionnelle. Le fait d’avoir la possibilité de commander des ouvrages ou des revues en ligne, permet de faire vivre tout un circuit de l’édition qui, sans Internet, ne pourrait pas exister. De ce fait, Internet ne se substitue pas au document papier et permet, au contraire, son extension. Des sites comme Amazon ont provoqué une véritable explosion de l’activité des services postaux qui acheminent les produits commandés. Et parmi ces produits, des livres, des magazines et des revues sont vendus. Internet intensifie donc la circulation des documents imprimés. Grâce à la visibilité sur la toile, une simple recherche dans un moteur de recherche permet l’augmentation des ventes de revues vers l’étranger.

Nous voyons donc qu’Internet et la publication papier sont complémentaires et que l’évolution de l’un fait progresser l’évolution de l’autre. Le papier disparaîtra totalement uniquement lorsque l’homme séjournera dans l’espace. L’homme sans livres traditionnels est donc pour le moment l’astronaute.

Bruce Bégout et la philosophie de la vie quotidienne

Bruce Bégout reste dans le paysage intellectuel un auteur à part qui se préoccupe de choses que la plupart des écrivains trouvent insignifiantes. Ainsi il pose son regard sur des friches, des bordures d’autoroutes, des motels, des usines désaffectées pour nous montrer la précarité qui se cache derrière les paillettes, notamment dans les villes américaines. Avec lui les architectures s’écroulent et deviennent friches avant qu’elles ne soient définitivement terminées.

La ville américaine aux lumières tapageuses des néons qui clignotent pour interpeller les passants n’est en fait qu’un ersatz de ville où tout vacille dans la banalité extrême. Partout règne le factice et les faux plafonds, le tout dans un état délabré et produit en grandes séries. Comme le disait Henry Miller dans l’un de ses romans, pas une seule pierre n’est ajustée avec amour. Tout est de travers et les pavillons souffrent presque tous d’imperfections. D’autre part il existe une culture du nomadisme où les populations laissent tout pour déménager. Il n’y a pas cette sédentarité comme on la trouve en Europe. Ce qui fait que les banlieues pavillonnaires sont faites d’habitations bien souvent délaissées, du moins pour les banlieues les plus pauvres. Bruce Bégout remarque également que le motel est largement diffusé et que de nombreuses personnes vivent dans ces habitations précaires. Lieu de la banalité où tout se ressemble sans la moindre trace d’humanité. Villes sans histoire où tout est fabriqué dans l’urgence et le temporaire. Bien entendu, il y a des monuments qui rappellent que l’Amérique a tout de même une histoire, même si elle est courte. Mais dans l’ensemble beaucoup de choses sont temporaires. Lieu de fluidité des capitaux, les richesses et les faillites se succèdent à des cadences effrénées. Pas de stabilité dans l’empire du carton-pâte. Tout se fait et se défait au rythme des marchés. Aujourd’hui dans un pavillon, demain dans un mobil home. Rien ne dure vraiment. C’est aussi cela le pays de la liberté.

Dans le chapitre intitulé « L’envers du décor » de Zeropolis, l’auteur nous dépeint un univers fait de vapeurs d’essence qui, comme il le dit, « prennent à la gorge ». Toute la population est abrutie et est dans une torpeur « où s’entassent les quelques objets essentiels qui leur font croire que toute existence humaine doit être nécessairement accompagnée. » Nous sommes loin de la machine à rêves que nous proposent les studios de cinéma. La banalité et l’ennui sont au rendez-vous, au milieu d’architectures qui ne durent pas plus de vingt ans. Univers du contreplaqué, tout peut s’effondrer à n’importe quel moment. Friches à perte de vue, c’est à un monde sans âme que nous sommes confrontés. Pays du bricolage et du garage mythique, tout est sans cesse à réparer. Les parcs d’attraction tentent vainement de donner un sens à l’existence, mais dans cette artificialité les individus sentent bien que quelque chose ne va pas.

Cette démesure est sans substance ; Henry Miller s’en était déjà aperçu lorsqu’il habitait New York. Ce monde n’est pas à une taille humaine, tout y est vanité et désir de domination. Dépasser sept étages pour un immeuble est quelque part une chose malsaine. La verticalité dans son principe le plus large dénote une volonté d’asservir. Quant à l’empire du jeu c’est également l’empire du vice. Peuple de joueurs invétérés sous toutes les déclinaisons, Las Vegas rassemble tout ce qu’il y a de plus sordide dans les méandres de la nature humaine. Ça clignote de partout dans un déluge d’électricité en essayant de faire croire au joueur que la vraie vie est ici. Entreprise de flatterie narcissique, tout est prévu pour convaincre le joueur qu’il est dans le meilleur des mondes. Rien n’est impossible et le hasard sera présent au rendez-vous. Comme l’écrit Bruce Bégout « le ludique a pour but de domestiquer le désir originel et sans objet qui coule dans les veines de chacun. » Jouer jusqu’à en perdre la tête, emporté par les flux des lumières. Tel est le secret des salles de jeux. Dans l’étendue interminable des machines à sous, chacun tente sa chance en étant persuadé de gagner quelque chose. Leurre des salles de jeux où les joueurs parient sur l’impossible. Las Vegas avale les clients comme un serpent avale ses proies. Temple du factice et du mirage, les joueurs n’aperçoivent que les pâles reflets d’une réalité déformée. De plus Las Vegas est la plus grande décharge d’enseignes lumineuses. Comme l’écrit J.G. Ballard, « Las Vegas n’a jamais été rien d’autre que la plus grosse ampoule électrique du monde. » Et les joueurs sont attirés comme des papillons de nuit par cette monstrueuse ampoule située dans un désert. Architecture champignon qui a poussé dans le grand rien, au milieu de nulle part. Comme l’explique Bruce Bégout, tout est rouillé et dénaturé, c’est le règne du bancal et de l’incertain où tout peut s’écrouler à chaque instant. Et les joueurs ne font même plus attention à cette précarité chancelante d’une architecture rafistolée de partout. Rien n’a été prévu pour durer. C’est aussi cela le rêve américain : un amas de planches pour réaliser une maison en bois. Univers peuplé d’habitations de fortune que l’on ne peut même pas qualifier d’architectures comme on parle d’une cité antique à Rome ou à Athènes. Las Vegas n’est qu’un amas de tôles, de boulons et de matière plastique, le tout recouvert d’une peinture écaillée.

Bruce Bégout, dans ses divers écrits, nous dresse enfin un tableau saisissant de cette Amérique dont le cinéma fait rêver le monde occidental tout en nous cachant les réalités de la banalité de la vie quotidienne et de ses turpitudes. Comme Roland Barthes l’avait fait pour la presse people et la mode, Bruce Bégout démonte la mythologie américaine pour nous montrer la face cachée d’un pays à bout de souffle où règne derrière les paillettes des populations en difficulté et une vie dénuée de sens