Le 21e siècle est un curieux mélange de nombreuses choses. S’entrecroisent les livres de la culture la plus ancienne et les revues qui traitent des dernières découvertes faites dans le domaine de l’électronique. Ce siècle qui utilise toutes les ressources de l’invention de l’électricité est bien différent des autres siècles. Ce qui le caractérise le plus est son développement de l’informatique. Certains écrivains ont beau faire semblant de faire comme si toutes ces inventions n’existaient pas, il n’en demeure pas moins qu’ils les utilisent au quotidien. Ainsi nous lisons un livre d’Aristote, écrit il y a plus de 2000 ans, acheté sur une librairie en ligne grâce à Internet. Ce n’est plus la même chose qu’au 19e siècle. L’électricité est passée par là et cela modifie tout. Qu’il le veuille ou non, l’écrivain ne peut plus faire comme s’il s’éclairait à la bougie ou à la lampe à huile. Le contexte n’est plus le même. Et dans ce 21e siècle, l’informatique a radicalement tout changé, comme lorsque Marshall Mcluhan, dans son livre intitulé La galaxie Gutenberg, avait analysé les différents médias à son époque. Il y a un changement de paradigme avec l’utilisation massive de l’électronique. Il n’y a par exemple quasiment plus de correspondances par lettres postales. Ceux qui s’échangent des lettres sont devenus les derniers dinosaures avant l’extinction finale. Car le courrier postal est très long à acheminer et a un coût dans l’ensemble plus élevé que le courrier électronique et reste plus polluant car fabriquer du papier nécessite toute une chimie particulière qui consomme une grande quantité d’eau en plus du fait qu’il faut bien entendu couper des arbres. Il est donc préférable d’utiliser le papier pour les emballages et l’impression de livres.
Comme à toutes les époques, nous faisons beaucoup d’erreurs, nous tâtonnons, sans savoir où nous allons. Malgré tout on continue à enseigner l’écriture car il semble que celle-ci possède des qualités et une grande utilité pour le développement d’un individu. Écrire sur un simple bout de papier semble être encore de la « haute technologie ». Notre époque est cependant pleine de contradictions, et l’on ne sait pas ce qu’il faut changer, faire évoluer, et ce qu’il faut conserver. Tout devient de plus en plus complexe et nous devons assimiler de plus en plus de disciplines, alors que le temps qui nous est imparti est toujours le même, c’est-à-dire les vingt-quatre heures d’une journée. On se demande si nous n’allons pas un peu trop vite. Car comment déterminer ce qui est essentiel et ce qui est superflu, voire nuisible ? Ce n’est pas une tâche aisée.
Le philosophe du 21e doit aussi avoir quelques connaissances de base dans diverses techniques, comme par exemple l’électronique (qui est présente partout dans la vie quotidienne), ainsi qu’en informatique, laquelle est utilisée pour toute la gestion de la société ainsi que pour une quantité considérable d’autres activités. Il doit par conséquent avoir un minimum de connaissances sur la façon sont faits les programmes, lesquels influencent toutes nos décisions, notre manière de travailler, de nous nourrir, bref, toutes les choses qui constituent notre vie quotidienne. Ces petites puces électroniques, qui sont moins grandes que la taille d’une main, ont un impact considérable sur toute l’activité humaine. Le tracteur qui permet de labourer un champs pour au final produire ce qui permet de nous nourrir, contient de nos jours des technologies électriques, lesquels technologies électriques ont été fabriquées à partir d’autres technologies comme celle de l’informatique dont je parlais plus haut. La liste ainsi s’allonge sur tout ce qu’il faut connaître. Car il y a plus accumulation que substitution des techniques et des connaissances. Il s’opère une sorte d’empilement où les choses du passé continuent à exister avec celles du présent. Ainsi l’éolienne actuelle qui produit de l’électricité n’est en fait, dans son principe de base, que l’ancien moulin à vent de jadis. Il n’y a donc pas substitution. Et tout vient ainsi s’accumuler dans une complexité toujours plus grande. On voudrait réduire cette complexité croissante en remplaçant certaines choses par d’autres, mais on finit par s’apercevoir qu’il y a en fait juxtaposition plus qu’une simplification. Pour ceux qui étudient le très lointain passé, comme par exemple les égyptologues ou les archéologues, ils utilisent pour mener à bien leurs travaux des techniques basées sur la science actuelle. Et plus cette science et ces techniques seront développées, et plus ils seront en mesure de mieux comprendre ce passé. Ainsi le présent et les projets futures, permettent en même temps d’explorer mieux le passé. Par conséquent, mal connaître le fonctionnement et les outils du présent revient également à mal, ou moins bien connaître le passé pour ceux qui se consacrent à cette tâche. Il y a un empilement des connaissances et des pratiques dans un mécanisme de rétroaction. Et au final, on finit par s’apercevoir qu’il y a plus de nouvelles questions que de réponses.
Pour reprendre le phénomène de l’accumulation, on peut par exemple prendre l’exemple de la bicyclette. L’invention de l’automobile jusqu’à son évolution actuelle n’a pas fait disparaître la bicyclette. Et nous nous retrouvons aujourd’hui avec un nombre croissant de modes de transport dans une accumulation toujours plus grande de possibilités, sans procéder forcément à une substitution de l’une par l’autre. Il en est de même avec les disciplines où il n’y a pas forcément substitutions des unes par les autres. Il faut au contraire en connaître de toujours plus nombreuses car dans la démarche inverse on risque d’être de plus en plus aliéné en maîtrisant moins bien nos choix et nos réalisations que nous opérons au quotidien. C’est aussi pour cette raison qu’il est très difficile de savoir où nous allons. Plus on se spécialise en restreignant notre champs d’investigation et moins, paradoxalement, on est apte à comprendre la réalité du monde dans lequel nous participons.
(A suivre)