Le locataire et les deux propriétaires associés

Herbert Fringant devait se rendre à un cours sur l’histoire de l’art à l’université. Bien qu’étant étudiant en littérature, il avait choisi de suivre ce cours en auditeur libre. Il estimait que les disciplines étaient bien trop spécialisées et assistait de ce fait à de nombreux cours en dehors de son cursus de lettres.

Il habitait un petit studio qu’il louait à deux propriétaires associés iraniens. L’un d’eux était ingénieur et ils avaient entrepris d’acheter ce logement pour le louer, en tirant donc un petit bénéfice de cette mise en location. Dans la capitale, l’immobilier demeurait un secteur très lucratif où, comme au 19e siècle, des propriétaires arrondissaient leurs revenus en louant des appartements. Pour certains propriétaires c’était même devenu une activité principale de commerce de la location sur des durées courtes. Ces locations essentiellement réservées aux touristes avaient été vivement critiquées par le gouvernement qui considérait que cela portait préjudice à ceux qui cherchaient un logement plus stable, s’étendant dans la durée.

Le loyer que payait Herbert restait dans la moyenne des prix pratiqués pour un studio. En tant qu’étudiant il bénéficiait des allocations logement dont le montant s’élevait à la moitié du prix du loyer. Il était de ce fait obligé d’avoir un job à temps partiel pour subvenir à ses besoins. Il avait trouvé un travail d’aide documentaliste dans un lycée proche de chez lui. Dans l’établissement les élèves venaient plus en salle de lecture pour s’occuper avec leur ordinateur portable que pour lire des livres. Ils préparaient également des travaux écrits demandés par leurs professeurs. Quelques uns seulement empruntaient des livres pour les lire chez eux. Le prêt à domicile avait surtout du succès avec les élèves qui avaient le moins de ressources économiques, car les livres demeuraient dans l’ensemble assez chers. La bibliothèque était une façon de rendre plus facilement accessible la lecture aux élèves et de leur donner également des idées en découvrant des auteurs. Car lire deux cent ou trois cent pages d’un livre à partir d’un document par exemple PDF ou ebook d’un ordinateur était quasiment impossible tellement cela produisait une fatigue visuelle et aussi physique, car on pouvait lire un livre en étant par exemple dans une position allongé qui est moins fatigante que celle d’être assis devant un ordinateur portable ou fixe. Et de plus, très peu de textes contemporains étaient disponibles au format électronique, qui d’autre part n’étaient pas libres de droits.

Bien que les tâches qu’il avait à faire ne fussent pas très passionnantes, comme celles de ranger les ouvrages ou de s’occuper du prêt à domicile, il se sentait néanmoins utile et son activité avait pour lui du sens. Il préférait faire ce job plutôt que d’être vendeur à temps partiel dans une boutique quelconque. Le seul domaine commercial qui l’intéressait était celui du livre. Parmi ses formations, il en avait suivi une de documentaliste et s’était donc mis à chercher un emploi dans les bibliothèques. Son salaire horaire équivalent au SMIC lui permettait tout juste de régler la part du loyer non financée par les allocations logement ainsi que l’électricité. Il arrivait à peine à boucler les fins de mois en ayant tout de même suffisamment de temps libre pour suivre les cours à l’université.

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Depuis quelques mois, Herbert avait accumulé des dettes de loyer. Il n’arrivait plus à tout payer et rognait de ce fait sur le loyer car les autres dépenses, comme la nourriture et l’électricité restaient vitales. Les deux propriétaires, qui étaient des associés de nationalité iranienne, ne tardèrent pas à se présenter chez lui pour réclamer la somme manquante.

Ils lui rendirent visite un mercredi après-midi, un jour où il ne travaillait pas à la bibliothèque. Habillés tous les deux en costume, dont l’un, de taille plus petite que l’autre associé qui était mince et très grand, avec un ensemble trois pièces avec un gilet assorti, ils semblaient sortir d’un roman du 19e siècle représentant la bourgeoisie cupide qui s’enrichissait en exploitant le prolétariat. Ils avaient l’air menaçant. L’homme de plus petite taille avait pris la parole en faisant des gestes presque identiques à ceux de certains voyous qui n’hésitaient pas à en venir rapidement à la violence physique.

Herbert leur expliqua qu’il avait des difficultés financières et qu’il leur réglerait la dette en plusieurs mensualités, car il ne pouvait pas la payer en une seule fois. L’homme au costume trois pièces rétorqua en élevant voix et avec un très fort accent iranien qu’il voulait être payé tout de suite en lui faisant un chèque. Herbert dit une nouvelle fois qu’il n’était pas en mesure de payer en une fois et que faire un chèque sans provision l’amènerait à avoir des problèmes avec sa banque.

Lorsqu’il eut fini sa phrase, l’associé au costume trois pièces s’avança brusquement vers lui et jeta ses mains sur son cou en l’étranglant. Herbert se libéra de son emprise d’un geste vif et lui lança :

_ Non mais ça va pas la tête !

La situation avait pris une tournure à laquelle il ne s’attendait pas. Il ne savait plus quoi faire et, instinctivement, recula de quelques pas. Puis il reprit la parole :

_ Dès que j’aurai mon salaire, je vous paierai une partie de ce que je vous dois en vous envoyant un chèque. Je ne peux pas faire mieux pour le moment.

Il y eut un silence, puis l’homme au costume trois pièces répondit :

_ J’attends donc votre chèque dans les plus brefs délais. Si vous ne payez pas, vous quitterez les lieux, j’espère que c’est clair !

_ A la fin du mois, lorsque j’aurai mon salaire, je vous enverrai un chèque comme je vous l’ai dit, insista Herbert.

Les deux hommes semblèrent satisfaits de cette réponse et quittèrent le studio. Herbert était inquiet. Ces individus se comportaient comme des mafieux en n’hésitant pas à utiliser les menaces physiques. Il restait perplexe et c’est avec soulagement qu’il referma la porte d’entrée une fois qu’ils furent dans l’escalier.

Lorsque Herbert perçut son salaire en fin de mois, il envoya un chèque au propriétaire. Comme il l’avait dit, il régla, en plus du loyer en cours, cent euros qui permettaient d’alléger un peu sa dette. Ce n’était pas beaucoup, mais il se disait que cela le rassurerait, tout en montrant également sa bonne foi.

Le travail à la bibliothèque se passait bien. Les élèves avaient la fâcheuse tendance à utiliser avec excès leur ordinateur portable, en ne prenant presque plus de notes manuscrites. Par ailleurs ils ne savaient pas non plus comment étaient construits les logiciels qu’ils utilisaient et pensaient cependant que rédiger des textes sur leur ordinateur était bien plus pratique, en ne voyant pas la liberté d’expression qu’offrait une feuille de papier dans certains cas, et qu’il ne fallait pas remplacer exclusivement l’un par l’autre mais utiliser les deux avec leurs potentialités respectives. Chaque époque contenait ses contradictions et l’informatique n’avait toutefois pas fait disparaître les artistes peintres qui réalisaient toujours leurs œuvres sur des toiles en plus des images de synthèse que produisaient d’autres artistes.

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Deux mois plus tard, Herbert eut un congé de quinze jours. Cela correspondait à la période des vacances scolaires. Il avait décidé d’aller rendre visite à une tante qui habitait dans le sud de la France et qui l’invitait à séjourner chez elle. C’était également l’occasion de revoir deux cousins avec qui il avait passé une partie de sa petite enfance.

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Herbert fut de retour quinze jours plus tard dans la capitale. Son séjour chez sa tante avait été agréable, et il s’apprêtait à présent à regagner son domicile en remontant la rue qui menait à son studio. Arrivé dans le hall de l’immeuble, il consulta son courrier. La boite aux lettres regorgeait de prospectus et il constata qu’il n’y avait pas de lettres. Il monta ensuite l’escalier jusqu’au premier étage et introduisit la clef pour ouvrir la porte. A sa grande surprise, il s’aperçut que la serrure n’acceptait pas la clef. Il eut un moment d’hésitation puis il se rendit à l’évidence : La serrure avait été changée. Et cela provenait obligatoirement de son propriétaire. Il réfléchit et prit la décision de téléphoner à ses parents. Sa mère décrocha le téléphone et lui expliqua que le propriétaire de son studio avait mis toutes ses affaires au garde-meuble et qu’il était à présent sans logement. Herbert dit à sa mère qu’il allait immédiatement passer la voir. Il lui fallait donc trouver une autre location et ne savait pas comment il allait s’y prendre. Ces propriétaires n’avaient pas respecté les lois concernant la location et la façon d’y mettre un terme. Car normalement, la procédure était assez longue pour aboutir à une expulsion dans le cas où un locataire ne pouvait pas payer son loyer par divers moyens. Cependant Herbert était épuisé et n’avait plus la force de déposer une plainte. Ces deux individus, qui s’étaient rendus au domicile de ses parents et aussi chez l’un de ses oncles avec un comportement d’une grande violence, lui avaient donné à réfléchir sur la réalité de la vie. Il avait par exemple compris pourquoi, dans certains cas, une guerre est inévitable face à un « ennemi » qui cherche à imposer sa force et à anéantir les autres. Et cette expérience qu’il venait de vivre, comme d’autres expériences qu’il eut par la suite, avait été plus pédagogique que n’importe quel cours d’histoire et de géographie, sur par exemple le comportement des européens sur les diverses colonisations de la planète en employant la force et la violence, en tuant des gens, ou sur la révolution française lorsqu’une partie du peuple mourrait de faim, bref, sur tous les conflits que l’histoire présentait, où la vie n’était qu’une succession de guerres interminables en s’étripant avec une cruauté sans limites, où les livres d’histoire ruisselaient de sang à effrayer un enfant de dix ans qui ne comprend pas ce que font tous ces hommes qui se versent de l’huile brûlante par catapulte qui produit une douleur intense, qui s’écartèlent avec des machines diaboliques, qui s’envoient des décharges électriques, qui se coupent la tête, qui s’envoient de l’acide sur le visage, qui se découpent au scalpel, qui s’envoient des gaz mortels qui produisent des douleurs extrêmes, qui se brûlent vivants dans une souffrance atroce, qui perdent des bras, des jambes, également dans une extrême douleur et qui font mille horreurs qui dépassent l’entendement et qu’ils trouvent tout à fait normales tout en buvant une tasse de thé. Rien de tel que la mise en danger de la survie, avec cet instinct de conservation qui nous pousse vers la prolongation de la vie jusqu’à son terme naturel final tant que nous ne souffrons pas trop, pour comprendre beaucoup de choses, et notamment qu’il est très difficile d’éviter les conflits à partir du moment où des hommes considèrent que la vie d’autres hommes est sans importance. Car la frontière qui sépare la vie de la mort est un critère primordial. C’est une sorte de concept universel qui est la clef de tout. Tant que l’on fait certaines choses sans trop mettre en danger la vie d’autrui, tout reste négociable. Mais lorsque la vie de tout homme est mise en danger par des moyens divers, alors là nous touchons à un problème insoluble, comme les indiens d’Amérique du nord qui ont été tués en masse pour ne prendre que cet exemple, et qui n’ont pas pu se défendre, au lieu de chercher à trouver un terrain d’entente ou chacun pouvait apporter à l’autre quelque chose de complémentaire. La diplomatie avait ses limites lorsque plus personne ne voulait commercer mais souhaitait tout simplement piller, s’accaparer et exterminer. Car il fallait pour cela que tous les humains se disent en même temps que la vie d’autrui avait une importance. Ainsi les femmes étaient-elles plus dans la bonne direction, dans la bonne voie pour comprendre cela, car elles connaissaient mieux que les hommes la valeur de la vie et étaient moins meurtrières qu’eux, même s’il y avait des femmes soldats comme les femmes israéliennes de nos jours et dans d’autres pays, des femmes policières, des femmes qui tuaient leurs enfants, etc. Mais statistiquement elles étaient moins nombreuses à avoir envie de faire le choix, justifié ou non, de mettre un terme à la vie d’une autre personne. Elles respectaient plus tout ce qui était vivant. Même s’il avait existé des femmes SS, elles restaient tout de même moins nombreuses à avoir ce type de comportement, c’est-à-dire à penser que la vie d’autrui était sans aucune importance. Même dans l’histoire de la Grèce antique, puisque tout l’occident se référait à cette nation, les femmes étaient moins meurtrières que les hommes, et celles qui enlevaient la vie d’autrui, par jalousie et pour diverses raisons, respectaient encore une fois de plus la vie d’autrui. J’imagine mal un Napoléon  femme, un Franco femme, un Mussolini femme, un Staline femme, bref, il suffit de regarder ceux qui ont supprimé la vie du plus grand nombre d’humains sur la planète, ils étaient tous des hommes. Et bien que connaissant mal l’histoire de certaines très anciennes femmes égyptiennes qui avaient un grand pouvoir, il me semble qu’aucune n’a pris la décision de tuer en masse, comme par exemple Staline, Hitler, etc, d’autres humains. Pour tuer une personne, il faut avoir un état d’esprit bien particulier, même si la mort est « propre » comme certains disent, en ne provocant pas trop de souffrance chez celui qui meurt comme une simple balle de pistolet à la place d’un lance-flamme ou autre jouet de la mort. Et Herbert, qui avait effectué une courte partie de son service militaire très jeune à dix huit ans en Allemagne, c’est-à-dire durant trois mois avant d’être réformé pour tentative de suicide – car c’était la seule façon qu’il avait trouvé pour échapper à ces individus complètement fous qui lui apprenaient à tuer en faisant de l’humour ou comme on faisait une partie de cartes ou de jeux d’échecs – avait compris certaines choses avec l’expérience qu’il venait de traverser.

© Serge Muscat – juin 2025.

Vous n’avez pas mis les dates sur votre CV!

Payé à l’heure, le salarié est l’esclave du temps. On lui vole ce temps si précieux, ce temps qui devient la propriété du patron. Le travailleur voudrait faire voler en éclats toutes les pointeuses du monde qui mesurent le temps d’une vie. Vie perdue dans un chronographe, où est déjà loin le temps discontinu de l’enfance passée à jouer.

On dit d’une arme qu’on la « pointe » sur une cible. Pointer est donc quelque chose de meurtrier. C’est le tir du temps dans le cœur de l’âme. La pointeuse fait des trous dans l’esprit des hommes. Et ce temps ne s’arrête pas là ; il nous poursuit partout, jusque dans nos rêves.

Mettre les dates sur un curriculum vitae, c’est encore être l’esclave du temps, être poursuivi par ce temps que tout le monde veut acheter. On veut vous voler votre temps, votre vie, ne rien laisser au hasard dans le grand planning universel. Le cosmos est une horloge qui compte sans fin le temps sur ses grandes aiguilles étoilées.

Sur le CV doit être représentée la suite chronologique de ce qui « devait » advenir. Comme si tout était prévu d’avance par on ne sait quel déterminisme. Le temps aurait donc une logique ? Le recruteur est en quête de sens. Car selon lui tout s’ordonne par le temps. Il en est tellement persuadé qu’il construit des courbes et des graphes pour s’y retrouver dans ce temps dont personne ne sait ce qu’il est exactement. Il a pour se rassurer une grosse montre au poignet qui indique les dixièmes et les centièmes de seconde. Pour lui, il n’y a aucun doute : sa montre dit la vérité. Avec ses soixante minutes il s’imagine régner sur son entreprise. Il sait cependant que tant d’heures réalisées par les salariés lui rapporteront telle somme d’argent avec cette fameuse valeur ajoutée produite par le temps des travailleurs.

Serge n’a pas mis de dates sur son CV. Car il n’a jamais su avec précision quelle heure il était ni quel âge il avait. Il se doute que quelque chose se passe que certains appellent « temps » mais il ne veut pas en savoir plus sur ce sujet. Il laisse couler les jours au fil du lever du soleil et se couche lorsque les étoiles brillent dans l’obscurité du ciel. Il mettra quelques dates erronées sur son curriculum vitae qui ira même ainsi à la corbeille étant donné qu’il ne rentre pas dans la fameuse « norme » décidée par le recruteur.

Mais la nuit tombe et il faut aller se coucher. Peut-être demain Serge se réveillera-t-il avec l’espoir d’entamer une meilleure journée


J’ai rédigé ce texte mélangeant réalité vécue et fiction pour montrer diverses choses. Je soulève la question du conformisme dans le monde de l’entreprise, où par ailleurs on apprend aux personnes à rédiger un CV, donc à se conformer à une certaine présentation de son parcours pour se conformer aux attentes de telle ou telle personnes. Or, la « bonne présentation » n’existe pas, toute « bonne présentation » est totalement arbitraire et ne correspond en fait qu’à une vision particulière que chacun a de la connaissance au sens large, et donc de ce qui prime et de qui est superflu J’ai fait intervenir les « dates » pour montrer que la question du temps, de la chronologie, du sens que l’on donne à la succession des événements est en fait arbitraire. D’autre part, la « dictature »  du temps mort , du « trou dans le CV », donc de l’obligation de n’avoir pas eu de cessation d’activité, cette cessation, ce trou dans le parcours étant considéré comme une perte de compétence et de plus comme un « trou forcément voulu » (ce qui est vrai dans certains cas mais pas dans d’autres), alors que l’individu est confronté à une multitude d’aléas liés à la vie économique et sociale, etc, que ces trous que l’on doit cacher, car il y a un rapport de force et de pouvoir entre le recruteur et le recruté et que c’est le recruteur qui impose sa vision du monde au recruté, où en fait chacun utilise une stratégie différente pour obtenir la même chose, c’est-à-dire une quantité d’argent (le salaire pour le salarié et les bénéfices pour l’entreprise), bref, j’ai voulu montrer le monde de l’entreprise commerciale, où les recrutés sont obligés de se conformer à une certaine vision de l’économie et de la  société pour pouvoir survivre, où d’autre part le recruteur a un pouvoir total sur le recruté, sur sa vie privée, où l’on doit indiquer dans le CV ses loisirs et une multitude de choses qui sont en fait « une atteinte à la liberté de chacun ». La composition d’un CV qui doit tenir « sur une page », ou deux au maximum,  sinon il va à la corbeille. Comment en outre résumer une vie sur « une page »? Démarche totalement insensée à laquelle les recrutés doivent cependant se plier. Je vous laisse réfléchir sur ces questions. Car on pourrait aussi parler de la  succession dans le temps qui aurait « une logique » dans les différentes formations que suit un individu. Il n’y a pas de logique universelle, il n’y a que la logique du recruteur qui pense que certaines choses sont utiles pour le développement de son entreprise, alors que le recruté pense quant à lui que certaines autres choses sont utiles pour l’épanouissement de sa vie personnelle, comme par exemple avoir du temps libre, et qui suit une « stratégie épistémologique » bien souvent différente de celle du recruteur dont l’objectif premier est la croissance rapide des bénéfices de son entreprise. Quant à savoir si l’activité qu’il propose à ses « clients » est réellement utile ou nuisible, c’est au marché d’en décider. Des travailleurs se retrouvent parfois à faire n’importe quel travail, dans des activités que par ailleurs ils détestent, juste pour avoir un salaire.

 

Lentement le soleil se couche

Au fil des jours, lentement, très lentement, je sens le temps se diffuser en moi, comme un liquide imprégnant progressivement un tissu. Je perds l’attirance envers les gens et le monde tout entier, tout en commençant à comprendre que la vie n’était qu’un mirage, que toutes les lumières ne brillaient que pour mieux tromper les papillons de nuit.

Ainsi il n’y avait rien à découvrir derrière les ampoules électriques colorées. Seuls apparaissent mes parents morts dont je me souviens avec difficulté de leurs visages. Quand ils étaient encore jeunes, qu’ils riaient, lorsque je suivais ma mère partout et que mon frère, légèrement plus âgé que moi, n’avait pas encore acquis cette expérience de la vie qui est source de malheur et de désenchantement. Nous jouions aux petites voitures en suivant un parcours dans l’appartement, il me faisait des séances de projection d’images qu’il commentait en imitant des personnages. Je m’aperçois à présent que mon frère, ma mère, mon père et moi étions dans la même illusion concernant l’existence. La seule différence, et qui demeure très mince, c’est que je témoigne de leur présence par ces quelques lignes.

Peu à peu la force me quitte, tout en voyant partout des personnes disparaître. Mes anciens professeurs, des amis, ils sont tous aspirés dans le grand entonnoir du temps qui n’en n’épargne aucun. Et de les voir transformés en spectres un à un me fait chaque jour un peu plus souffrir. C’est une partie de ma mémoire qui s’en va, dans le grand kaléidoscope de mon esprit. Presque une dizaine d’enseignants dont je suivais les cours dans un passé pas très éloigné ont disparu et d’autres sont en train de perdre le peu d’énergie qu’il leur reste. Je n’ose plus consulter leurs livres comme on craint d’ouvrir un cercueil. Ça prend des allures de cauchemars auxquels j’ai du mal à croire. Je n’arrive plus à trouver le sommeil et je passe des nuits entières sans dormir. Même la fameuse sagesse dont parlaient les anciens demeurait une illusion comme les autres. Toute l’existence n’était en fait que décors en carton-pâte qui se déchirait progressivement jusqu’à tomber en poussière.

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Je n’ai pas réussi à dormir, pas même à m’allonger tellement je me sens préoccupé par ce temps qui passe comme la lame d’un rasoir sur une joue, tout en pouvant à chaque instant dévier pour s’enfoncer dans la chair molle. Je n’ai plus la même énergie qu’autrefois et cette baisse de ma vivacité motrice déclenche de nombreux questionnements. Je ne sais pas avec certitude ce qui se passe en moi, il me semble cependant que je suis écartelé entre la mort de très nombreuses personnes et ma propre mort, avec entre les deux une sorte de balancier temporel qui oscille de l’un à l’autre sans que rien ne puisse être modifié. Je suis tout autant effrayé par la mort de ces personnes que par ma finitude. Et les deux réunies provoquent une tempête dans tout mon être. Ainsi il me semble un peu avoir fait un tour complet sur les éventuelles découvertes encore à faire et ce qui relève d’une nouvelle illusion en ne voulant pas admettre que je suis arrivé au terminus des mirages, comme il existait un terminus dans le monde ferroviaire.

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La vie est aussi courte qu’un flash d’appareil photo lancé dans les années-lumières de l’univers Et pourtant j’ai pu découvrir durant cette durée dérisoire quelques éléments de cette incompréhensible aventure humaine, où les hommes meurent à chaque instant prématurément, où ils se font la guerre pour des morceaux de territoire et inventent également des techniques ainsi que ce qu’ils appellent « des cultures ». Et ils se font aussi la guerre pour ces techniques et ces cultures.

Mon père, qui était loin d’être parfait, comme tous les humains sur cette planète, est mort à soixante-cinq ans. Je ne sais pas si je vais vivre la même durée que lui. Si je suis ici vivant pour regarder cette boule bleue qu’on appelle la Terre, c’est grâce à lui puisqu’il m’a engendré et que je ne suis pas venu au monde par génération spontanée, comme du reste tout le vivant. Il était ce qu’il était, c’est à dire franchement de droite, il méprisait les syndicats, il dominait ma mère en ne lui laissant aucun espace de liberté, il se comportait avec violence à l’égard de mon frère et moi lorsque nous étions enfants, bref, je ne veux pas le juger car j’ai eu aussi de merveilleux moments en sa compagnie. Même si je demeurais rarement d’accord avec lui, il n’en demeure pas moins que si je suis ici en vie c’est grâce ou à cause de lui, je ne suis pas né d’un lapin, d’une poule ou d’un éléphant. J’essaie de vivre comme je peux et selon mes souhaits. J’approche de l’âge où il est mort et j’arrive à le comprendre un peu mieux. Souvent je pense à lui et je me dis qu’après tout il avait lui aussi le droit de faire des choix, comme moi j’ai fait des choix avec une certaine liberté et qui ne correspondaient pas aux siens.

J’ai pu découvrir durant cette minuscule portion de temps qu’est l’espace d’une vie l’absurdité de tout ce qui nous entoure et que l’homme cherche désespéramment à expliquer d’une manière malheureusement bien souvent autoritaire. Les hommes se font également la guerre pour des théories tout autant que pour des morceaux de territoire. Et personne ne semble échapper à ce fait, pas même moi qui suis aussi inclus dans le monde des humains. J’essaie souvent de prendre du recul, sans savoir si je réussis à être « à la bonne distance ». Mais dans tous les cas lorsque je vois un homme ou femme confronté à la mort, je n’ai plus alors aucune hypothèse, aucune théorie et je sombre dans le doute complet pour aboutir à cette absurdité qui m’accompagne depuis de très nombreuses années. La mort ne produit aucune réponse. Ceux qui sont morts invitent toujours à ceux qui sont vivants à se poser des questions dont les réponses sont sans consistance, car être confronté à la mort d’une personne est la situation ultime que l’homme cherche à comprendre depuis toujours.

© Serge Muscat – Mars 2025.

L’explosion de l’enseignement à distance avec le développement du numérique

L’enseignement à distance existe depuis très longtemps. Selon Wikipédia, l’enseignement à distance remonte à 1840, fondé en Angleterre par Isaac Pitman. Puis, progressivement, il s’est développé, avec pour unique outil de médiation les services postaux. Puis l’invention de l’électronique, avec par exemple la radio et ensuite la télévision, permit une communication en temps réel tout en y ajoutant l’audio et le visuel dans la transmission d’informations, en plus des informations manuscrites et imprimées. Et c’est avec la réalisation de l’électronique numérique (qui auparavant était intégralement analogique) et du développement des réseaux (dont Internet est le plus abouti, même si avant Internet il y avait le réseau téléphonique et la communication par ondes radio) que se fit jour un enseignement à distance très répandu. Nous en arrivons donc à aujourd’hui.

De nos jours un très grand nombres d’universités proposent des formations à distance et de très nombreuses recherches sont menées en informatique et en sciences de l’éducation pour améliorer ce mode d’enseignement. Même les cours en présentiel font de plus en plus appel à des compléments en ligne par le biais de l’informatique. L’électronique numérique est une révolution aussi importante que ne le fut l’invention de l’imprimerie (laquelle imprimerie est également de nos jours numérique).

Après ce bref historique, nous trouvons dans tous les pays du monde un enseignement à distance basé sur l’ordinateur personnel et le réseau Internet (auquel on accède soit par la fibre optique soit par ondes radio). En ne regardant que la France, on trouve un portail où sont rassemblées les formations à distance des différentes universités. Ce portail, qu’il reste à améliorer, héberge la FIED qui a été créée en 1987. Vous pourrez le consulter et y trouver, si toutefois il est mis régulièrement à jour, les formations disponibles en EAD. Cela évolue régulièrement, au fil des innovations informatiques et pédagogiques. Il y a également la question du financement. Car l’infrastructure technique, comme le matériel informatique avec les logiciels, les informaticiens pour s’occuper des serveurs, etc. Ce mode d’enseignement est surtout utilisé pour la formation continue, afin d’acquérir de nouvelles compétences tout au long de la vie, car nous vivons dans un monde qui change vite et où chacun doit posséder une pluridisciplinarité de plus en plus grande qui nécessite une approche de la complexité, comme en parle Edgard Morin avec son concept de « pensée complexe ». Toutes les disciplines ne sont pas encore enseignées en EAD, mais cela progresse tout de même. Cela nécessite de nouvelles approches pédagogiques et aussi une connaissance généralisée à tous les enseignants, y compris ceux des disciplines littéraires qui ne connaissent que très peu de choses en sciences dures et informatiques, l’informatique ayant comme substrat les sciences dures (c’est aussi pour cette raison que ceux qui étudient les sciences dures sont beaucoup plus à l’aise avec l’informatique que ceux qui ont fait un parcours « exclusivement littéraire » en connaissant à peine les lois de base de l’électricité et l’algèbre de Boole qui participent au fonctionnement d’un ordinateur, l’idéal étant de connaître aussi bien cela que les théories littéraires pour ceux qui s’occupent de littérature et de philosophie (la philosophie étant une variante du discours littéraire, ces deux disciplines étant la plupart du temps regroupées au sein d’une même UFR). Nous voyons donc bien vite les difficultés que cela soulève étant donné la spécialisation actuelle des formations. Je pourrais presque dire que c’est à chacun de ne pas aller dans la direction épistémologique actuellement proposée et de s’inspirer de certains personnages de l’histoire comme par exemple Léonard de Vinci, lequel était bien plus intelligent que tous les ministres de l’enseignement supérieur que nous avons eus depuis la création de ce ministère en France. Pour réellement « créer », il faut parfois être un peu rebelle et sortir de la pensée conservatrice et fixiste, comme l’avait fait Maria Montessori à son époque en inventant de nouvelles formes d’éducation. En ce XXIe siècle, il ne suffit plus d’avoir « une tête bien faite », il faut surtout avoir une tête bien pleine et surtout remplie de connaissances très variées, et donc en ne respectant pas l’idéologie dominante qui énonce qu’un individu ne peut pas « faire  plusieurs choses et étudier plusieurs disciplines à la fois ». Comme les philosophes de profession qui n’ont à la bouche que le mot de Platon, je dirai, pour ma part, comme précédemment, qu’il faut prendre exemple sur Léonard de Vinci, lequel est mon Platon de ceux qui enseignent la philosophie à l’université. Évitez de trop discuter avec les « spécialistes », c’est-à-dire ceux qui refusent d’étudier autre chose que leur domaine restreint et qui n’ont en fait aucune curiosité et une étroitesse d’esprit couplée à une bonne dose de paresse et de feignantise, en produisant durant toute leur vie le même discours professoral, en ne changeant qu’une seule virgule de temps en temps au fil des ans. S’ils sont « spécialistes » c’est la  plupart du temps pour la sécurité et le « confort matériel », parce qu’ils ne peuvent pas avoir une totale indépendance financière. Ils s’accrochent donc à « leur poste de spécialiste » parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, en plus de leur étroitesse d’esprit et de leur paresse. Bref, pour en revenir à l’EAD, c’est donc une formule très utile et en plein essor qui pourra vous permettre de parfaire votre pluridisciplinarité. Cependant, il n’est pas dit que vous ne rencontrerez pas des difficultés dans le cours de votre vie « professionnelle », car ceux qui étudient trop de choses « apparemment » sans liens entre elles (alors que tout est relié de manière systémique) sont souvent rejetés du monde du travail, et plus particulièrement des entreprises privées où règne la croyance de la compétence du spécialiste, c’est-à-dire en fait de celui qui fait durant toute sa vie la même chose en ayant atteint très tôt le summum de son savoir-faire et ne progressant pas, en étant immergé dans une routine avec des habitudes et en faisant tout par « automatisme ». Or le propre d’un automatisme c’est de fonctionner en boucle, sans aucun changement, et par conséquent sans évolution possible. Mais le « spécialiste » est bien vu car il est facilement identifiable, en se disant : « il connaît bien son travail, ça fait 15 ans qu’il fait ça ». Raisonnement qui est en même temps une manière de considérer le spécialiste comme une « machine stable » qui produira toujours le même travail et qui est de plus prévisible.

Donc si l’EAD actuel permet de parfaire et découvrir différents champs de la connaissance, il convient aussi dans certains cas de cacher ce que vous étudiez à votre patron ou à votre supérieur hiérarchique (tout dépend de votre activité professionnelle) car vous risqueriez d’être confronté à de très fortes résistances, voire à un rejet pur et simple. Dans le secteur public cette démarche est déjà un peu moins freinée, mais il y a aussi des résistances, même si elles sont plus atténuées. Un comptable qui demanderait par exemple à son patron de s’absenter pour passer des épreuves liées à des études suivies en physique serait extrêmement mal perçu. Vous pourrez le vérifier. Je préfère donc vous prévenir. Léonard de Vinci, puisque je prends cet exemple en  imaginant aussi que ce personnage vous fascine, n’a pu faire ce qu’il a fait que parce qu’il avait le soutient financier d’un homme de pouvoir qui lui laissait une « totale liberté » dans ce qu’il souhaitait réaliser. Or ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui où les individus sont « orientés », depuis les études initiales jusqu’à la formation continue, en passant par les structures comme Pôle Emploi, etc. Bref, méfiez-vous donc des personnes qui ont un pouvoir quelconque sur vous, et surtout des patrons, car il faut bien travailler pour gagner sa vie.

Je vous souhaite donc un bon travail et des loisirs studieux par le biais de l’EAD. Et je rêve d’un monde où toutes les universités pratiqueraient l’EAD, et ceci dans l’intégralité des disciplines, ce qui permettrait une diffusion massive des connaissances avec des échanges sur la planète tout entière. Ce qui permettrait, au lieu de consommer des loisirs abrutissants et qui détruisent également l’environnement, comme faire par exemple une croisière sur un paquebot contenant 10000 passagers, d’apprendre des choses qui aident réellement à vivre mieux, comme comprendre un système biologique et écologique, où tout interagit sur tout, le fonctionnement des sociétés par le biais de disciplines comme l’anthropologie, où comment fonctionne le langage naturel par le biais d’une discipline comme la linguistique. Ce sont ici quelques exemples. Je vous conseille vivement les cours de Yves Muller pour une initiation à la biologie. Ce professeur est un excellent pédagogue qui de plus maîtrise parfaitement les ressources et les outils de l’informatique. Bien que cela soit une introduction à la biologie, vous aurez avec ces différentes vidéos les bases nécessaires pour comprendre le vivant. C’est ici: Cours du DAEU-B. C’est beaucoup plus intéressant qu’une mauvaise série télé ou que les réseaux sociaux. Vous pourrez compléter votre initiation avec les cours de licence de biologie animale: Cours de biologie animale. Je vous souhaite un bon visionnement avec l’espoir que vous serez émerveillé en voyant comment la nature a réalisé certaines choses.